“Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles”
Lc 21, 25-26

Extrait d’un sermon du 28 nov. 1610 (VIII 62) et du Traité de L’Amour de Dieu livre 11 chap.17 (V 297)

Voici que le Christ vient à notre recherche et l’Église nous invite à bien le recevoir… Mais pourquoi Jésus-Christ parle-t-il de jugement et de fin du monde ? C’est pour nous remplir de crainte… Mais pourquoi veut-il que nous craignions ? Afin que nous aimions ; parce que la ’’crainte est le commencement de la sagesse’’ et que le psalmiste dit encore : ‘’Bienheureux ceux qui craignent le Seigneur.’’

       Mais pour mieux comprendre une chose si nécessaire, sachez qu’il y a deux sortes de craintes, l’une humaine, l’autre divine ; la crainte des esclaves et la crainte des fils. La crainte servile ne vaut pas grande chose en comparaison de l’amour. Elle est pourtant grandement utile pour la conserver au milieu des aléas de la vie … Les tentations que l’amour ne parvient pas à vaincre, la crainte d’être damné en viendra à bout …

Même lorsque la saison est propice et les vents favorables, les navigateurs n’oublient jamais les cordages, ancres et tout ce qui peut s’avérer nécessaire aussi bien par beau temps qu’en cas de tempête.

Ainsi, le serviteur de Dieu ne doit jamais cesser de craindre le jugement de Dieu. Lorsque se lèveront les orages, et que la tentation l’assaillira, cette crainte lui sera bien utile. Comme la pelure d’une pomme, qui a peu d’intérêt en elle-même, sert toutefois grandement à protéger la pomme.

       Celui qui offre un fruit du grenadier l’offre pour les grains et le suc que contient la grenade ; mais avec, il donne aussi l’écorce …

       De même, entre toutes les grâces que nous donne le Saint Esprit, il donne aux siens cette crainte de Dieu qui procède de l’amour, afin qu’ils craignent Dieu comme un Père et un Époux. Mais il leur donne aussi la crainte servile, comme une sorte d’accessoire de la crainte amoureuse, pourtant bien supérieure.

“La parole de Dieu fut adressée dans le désert à Jean, le fils de Zacharie…”
Luc 3, 1-6

Sermon du 20 déc.1620 (Oeuvres de St François de Sales, IX 444-6)

Les chemins trop tortueux ne sont propres qu’à lasser et fourvoyer ceux qui voyagent ; il faut donc les redresser et les égaliser pour la venue de Notre Seigneur. Il faut redresser tant d’intentions tordues, pour n’en avoir qu’une, celle de plaire à Dieu en vivant en sa présence ; ce doit être le but à atteindre.

De même que le navigateur, quand il conduit son bateau, a toujours l’œil sur le compas, et que ceux qui conduisent des petites barques tiennent toujours le gouvernail, de même devons-nous avoir sans cesse l’œil ouvert pour nous exercer à nous repentir.

       Mais certaines personnes ne veulent point regarder la pénitence, jusqu’à ce qu’elles n’en puissent plus. Oh ! disent-elles, Dieu est si bon et si miséricordieux, que nous nous arrangerons bien avec Lui ; donnons-nous du bon temps, puis à l’heure de la mort, nous nous repentirons et Dieu nous pardonnera.

       N’est-ce pas une grande présomption de la part de ces âmes qui profitent de la bonté divine pour vivre dans leurs péchés ?

       …”Redressez les chemins du Seigneur”, c’est-à-dire égalisez vos humeurs en régulant vos passions, inclinations et aversions. Cette égalité d’humeur est la vertu la plus agréable qui soit en la vie spirituelle et il faut toujours y travailler.

O Dieu, que ce serait une chose aimable et douce de voir en chacun cette égalité d’humeur ! Nous en sommes tant éloignés : nous sommes si changeants et inconstants !

Voilà les “chemins” que nous devons redresser pour l’avènement de Notre Seigneur. Et pour bien faire, allons à l’école de saint Jean-Baptiste, et prions-le de nous recevoir parmi ses disciples !

« Or le peuple était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Christ. »
Luc 3, 10-18

Sermon du 13 déc. 1620 (IX 425)

Dans la Loi, il était promis au peuple juif qu’un grand prophète lui serait envoyé. Je sais bien qu’il y a diverses opinions sur qui serait ce grand personnage. Mais la plus commune était qu’il serait le Fils de Dieu.

Saint Jean, s’apercevant qu’en répondant qu’il était prophète, les envoyés des scribes et des pharisiens croiraient qu’il est ce grand prophète promis et le reconnaîtrait comme tel, il le nia, en leur disant : Si vous me demandiez seulement qui je suis, je vous répondrais simplement :” Je suis envoyé pour préparer les voies du Messie”.

Voilà donc comment saint Jean repoussa cette tentation d’orgueil et d’ambition, et comment il reçut  l’inspiration de ne point recevoir l’honneur qu’on voulait lui rendre…

Vous voulez savoir qui je suis : je vous dis que je ne suis rien qu’une voix qui crie au désert… Saint Jean pouvait-il s’abaisser davantage ? Vous croyez que je suis le Messie, et moi je vous certifie que je ne suis qu’une simple voix …

Et Notre Seigneur propose à toutes sortes de personnes d’imiter saint Jean ; ils doivent considérer son humilité, pour être, à son exemple, des ‘’voix’’, les unes parmi les autres, criant que l’on prépare les ‘’voies’’ et que l’on aplanisse le chemin du Seigneur, afin qu’en Le recevant en cette vie, nous jouissions de Lui en l’autre, où nous attendent le Père, le Fils et le Saint Esprit.

“En ces jours-là, Marie se mit en route avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée.”
Luc 1, 39-45

Sermon du 2 juillet 1621 (X 69)

 Cette Vierge incomparable entre donc dans la maison de Zacharie et, avec elle, une multitude de bénédictions pour cette famille car, comme dit l’Évangile, saint Jean­ Baptiste tressaillit d’allégresse dans le ventre de sa mère et sainte Élisabeth fut remplie du Saint-Esprit…

Bien qu’Élisabeth fût déjà pleine de la grâce du Saint-Esprit, néanmoins, à la visitation de la Vierge, elle en fut comblée, car la grâce se donne de telle sorte que l’on peut toujours en recevoir davantage. Gardons-nous bien de dire : “C’est assez, j’ai suffisamment de grâce divine ou de vertus ; c’est assez de pénitence, je m’y suis assez bien exercée…” Ce serait une grande erreur…

Les principaux effets de l’Esprit Saint sont ceux qu’il opéra chez Élisabeth :

La première chose que fit cette sainte fut de s’incliner profondément, car voyant la Vierge, elle s’écria : “D’où me vient le bonheur que la mère de Dieu vienne me visiter ?” Voilà le premier fruit de la grâce de Dieu : l’humilité. Ainsi, la visite de Marie incline notre âme à reconnaître la bonté divine et notre propre petitesse, notre fragilité.

Le second effet du Saint-Esprit est de nous faire demeurer fermes dans la foi et d’y encourager les autres, puis de nous tourner vers Dieu et de le reconnaître comme source de toutes grâces.

Et la troisième marque de la visite du Saint-Esprit est la conversion intérieure, le changement de vie en une vie meilleure. Saint Jean fut sanctifié, de même celui qui reçoit le Saint-Esprit est tout transformé en Dieu.

Quand vous désirez savoir si vous avez reçu le Saint Esprit, regardez quelles sont vos œuvres, car c’est là qu’on le reconnaît !

  “Vois comme ton père et moi nous avons souffert en te cherchant…”
  Luc 2, 41-52

Quelques avis à l’abbesse du Puits d’Orbe, en mai 1605
(Œuvres de St François de Sales, XXVI 229)

 La mauvaise tristesse trouble l’esprit, agite l’âme et la met en inquiétude. Et tout à coup, sans savoir d’où elle vient, elle nous fait abandonner l’œuvre en cours …

La bonne tristesse donne force et courage, et n’abandonne pas un bon projet. Ainsi Notre Dame, bien triste d’avoir perdu son Fils, ne cessa pas de le chercher avec diligence …

La mauvaise tristesse obscurcit l’entendement, prive l’âme de résolution et de jugement, alors que la bonne ouvre l’esprit, le rend clair et lumineux …

La mauvaise empêche la prière, dégoûte de l’oraison, et nous fait oublier la bonté de Dieu ; la bonne, au contraire, rassure la personne, accroît la confiance en Dieu, fait prier et invoquer sa miséricorde, comme dit le psalmiste : “La détresse et l’angoisse m’ont saisi ; je trouve en tes volontés mon plaisir.”

Bref, ceux qui sont habités de mauvaise tristesse ont une infinité de craintes inutiles, de peines et de peurs d’être abandonnés par Dieu ; ils pensent que tout leur est contraire, et estiment tous les autres plus heureux qu’eux !

Le fondement des différences entre la bonne et la mauvaise tristesse, c’est que le Saint Esprit est l’unique Consolateur ; parce qu’il est la vraie Lumière, ses interventions sont pleines de clarté ; parce  qu’il est le vrai Bien, ses actions ne peuvent être séparées du bien véritable. Et St Paul dit aux Galates que son fruit est amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi.

“…ils se prosternèrent devant lui …et lui offrirent leurs présents”  
Mt 2, 1-12

Sermon du 6 janv. 1609 (VIII, 38)

Grande fête que celle où l’Eglise des Gentils (non juifs, pour Saint Paul) reçoit le Christ. C’est aujourd’hui une grande fête parce que les Gentils sont sevrés de l’idolâtrie et viennent au Christ et à la Maison du pain (Bethléem). Pour contempler ce mystère nous ne voulons d’autre étoile que Marie.

C’est aujourd’hui le jour des dons. Jamais le Christ n’a reçu de don plus magnifique.

Il est nécessaire de connaître la manière d’offrir à Dieu nos présents. Nous l’apprendrons par l’exemple des Mages … Qui sont-ils ? Des Mages, non des magiciens, mais des rois sages ; sans avoir la foi, ils croyaient. Des rois pieux, qui observaient les étoiles en vue de la prophétie de Balaam (Nb 24,17). Leur dévotion est évidente car ils quittent leurs royaumes, accourent et se présentent avec intrépidité au roi Hérode, et lui confessent ingénument leur foi.

Et puis, ils étaient sages ; mais l’homme sage n’est pas sans être bon… Saint Augustin dit que les Mages donnèrent de l’or, comme à un roi; de l’encens, comme à un Dieu ; de la myrrhe, comme à un mortel. D’après saint Grégoire, l’or repré­sente la sagesse, l’encens la prière, la myrrhe la mortification. Méditation, prière, bonnes œuvres.

Sénèque raconte : “Un grand nombre de disciples offraient à Socrate de riches présents. Eschine, pauvre auditeur, lui dit : Pour moi, je ne trouve rien qui soit digne de toi, et c’est en cela que je me reconnais pauvre. C’est pourquoi je veux te donner le seul bien que je possède, moi-même ; je te prie d’agréer ce don … Socrate répondit : Ton présent n’est petit que dans ta propre estime. J’aurai donc soin de te restituer un jour à toi-même, meilleur que tu n’étais.”

Voilà comment nous pouvons venir adorer le Seigneur.

« Il y eut une voix venant du ciel : Toi tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. »
Luc 3, 15-22

Sermons du 25 mars 1622 et du 17 oct. 1620 (X 368 et VII 258)

Dieu le Père parla pour rendre ce témoignage lorsque Notre-Seigneur reçut le baptême au Jourdain, car on entendit alors cette voix : “Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j’ai pris tout mon plaisir, écoutez-Le “. Comme s’il voulait dire : 0 pauvre peuple, vous m’aviez tellement fâché par vos péchés, que j’avais résolu de vous perdre tous, mais voici que je vous envoie mon Fils, pour vous réconcilier avec moi, car tout mon plaisir est de le regarder et de le considérer, et dans ce regard, je trouve tant de complaisance que j’oublie tous les déplaisirs que je reçois de vos péchés : Ecoutez‑Le donc !… Par cette parole, il montre qu’il l’a envoyé pour nous sauver.

Ne doutez point de son enseignement, car il est la vérité même, et pour cela, écoutez-le bien, son enseignement est tout divin, et si vous le pratiquez et le suivez, il vous conduira à la vie éternelle…

Quelle gloire pour le Père d’avoir un tel Fils, et quelle gloire pour le Fils d’avoir un tel Père ! Le Fils a la même substance que le Père ; le Père lui communique toutes ses perfections.

Pensez quelle gloire a un très bon père d’avoir un fils qui lui ressemble parfaitement ! C’est cette gloire qui mérite d’être célébrée à jamais : Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto...

Mais, de plus, le Père voyant son Fils, et le Fils voyant son Père, quelle exubérance de joie ! Le Père et le Fils voient qu’ils sont tous deux dignes d’un amour infini ; ils s’aiment l’un l’autre autant qu’ils le méritent, ils s’aiment infiniment et divinement. Et cet amour suprême qui les lie l’un à l’autre est une troisième Personne divine, égale à eux, infinie, éternelle et indépendante comme eux, qui est le Saint Esprit, l’amour et l’unité du Père et du Fils.

Chantons donc : Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto... Je sais bien que vous n’entendez pas ce mystère, ni moi non plus, mais il me suffit que nous le croyions.