Homélies 2024
La foi mise à l’épreuve !
L’évènement se situe sur le lac de Tibériade. Celui-ci est alimenté par le Jourdain et ses dimensions sont de 20 km de longueur et de 11 km de largeur. Ce lac est reconnu pour ses fortes tempêtes, car il est balayé par les vents du désert Syrien et aussi ceux de la mer Méditerranée.
Jésus invite ses apôtres à passer sur l’autre rive. Il les invite donc à quitter un coin de pays religieux où ils se sentaient en sécurité avec les leurs pour aller chez les païens, gens différents et aux habitudes de vie inquiétantes pour eux.
Jésus montre ainsi aux apôtres que son message est universel. Alors les apôtres, pêcheurs d’expérience pour la plupart, partent sur le lac avec Jésus. Ils utilisent une barque appartenant à quelqu’un du groupe. La capacité de la barque transportant les apôtres et Jésus est à son maximum. Les vents s’élèvent et l’eau commence à remplir la barque. La crainte commence à habiter les apôtres, nous les comprenons aisément. Ils ont peur de couler, de se noyer. L’anxiété les tenaille et certains doutent des minutes qui viennent. Le maître dort …
Quel homme peut maîtriser le soleil, le cycle des jours et des nuits, les vents et les tempêtes ?
Pour le croyant, c’est uniquement Dieu, le créateur. Lui seul possède cette compétence. De plus, souvenons-nous qu’à l’époque, la mer était symbolisée par un dragon qui sortait des abîmes. Il était la personnification du mal et du diable. Celui qui suscitait le péril et la mort.
Jésus menace le vent et s’adresse à la mer, comme si elle était une personne. Silence, tais-toi.
Après ce miracle, les apôtres se posent la question. Qui est-il ?
Dans les psaumes, il est écrit : C’est toi (Yahvé) qui maîtrises l’orgueil de la mer, quand ses flots se soulèvent, c’est toi qui les apaises. Il est aussi écrit : Yahvé ramena la bourrasque au silence et les flots se turent.
Les apôtres connaissent très bien ces psaumes, mais ils se posent quand même la question, qui est-il ?
Même devant l’évidence que Jésus est lié à Dieu, les apôtres ne voient pas l’étroite relation divine. Même devant le miracle de Dieu en Jésus Christ, les hommes ne doutent-ils pas souvent de l’action de Dieu ?
Cette invitation de Jésus à passer sur l’autre rive vaut aussi pour vous et pour moi, mais sur quelle rive ?
Est-ce la rive de nos limites humaines ?
Est-ce la rive de nos incapacités à témoigner de Dieu aux autres ?
Est-ce la rive d’un manque de foi ? Une foi timide et pas habitée par la Parole de Dieu, une foi peu ou mal nourrie par la puissance des sacrements ? Ces vitamines qui dynamisent au quotidien notre foi en Dieu et notre regard miséricordieux envers nos frères.
Sur la barque de nos vies, lors des doutes, des difficultés, des souffrances, des échecs ou des deuils, sommes-nous prêts à réveiller le Christ et à lui dire : maître nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? Nous lui posons volontiers cette question. Marc souligne ici la tentation d’interpréter le silence de Jésus comme une marque d’indifférence. Mais lui, Jésus, a l’air de dire : avoir peur, c’est manquer de foi : « Comment se fait-il que vous n’ayez pas la foi ? »
Et lui, très calmement, vous l’avez entendu dans cette page de l’Évangile de Marc, maîtrise les éléments ; il n’a pas eu peur une seconde, parce qu’il a la foi. Il sait que son Père lui donne d’être capable de commander à la mer et au vent. Si je comprends bien, c’est notre sentiment d’impuissance lui-même qui est un manque de foi !
Il ne s’agit évidemment pas de prendre nos rêves pour des réalités et de nous croire désormais tout-puissants ; la réalité nous en dissuaderait très vite. Mais, il s’agit d’avoir la foi, c’est-à-dire de croire que, en Lui, désormais, nous pouvons tout ! Y compris maîtriser la mer et, ce qui est le plus important encore, les forces du mal.
Vous tous, chacun d’entre vous, vous avez probablement des multiples raisons de vous inquiéter. Retenez cette leçon de l’Évangile : « Pourquoi avoir peur ? » Et en écho la célèbre phrase de saint Jean-Paul II au début de son pontificat : « N’ayez pas peur ! »
Sur les routes de nos existences, approchons-nous du Christ. Il est toujours présent dans la barque malgré un sommeil apparent.
Frères et sœurs, avec confiance, entrons dans l’action de grâce. Lors des ‘’sauvetages’’ qui m’ont remis debout, des amours, des joies, des émerveillements et des moments heureux de nos vies, sommes-nous prêts à réveiller le Christ et à lui dire : merci Seigneur ?
Sois béni, sois loué !
Amen.
Père Jean-Yves
Père Jean-Yves Letué
Nous terminons notre Triduum de la Visitation où, chaque année, nous nous mettons à l’école de saint François de Sales et de sainte Jeanne de Chantal. Aujourd’hui, nous célébrons la fête du Saint Sacrement du Corps et du Sang du Seigneur.
L’Église, au cours des années, a éprouvé le besoin de consacrer un dimanche, en plus du Jeudi Saint où nous faisons mémoire de l’institution de l’Eucharistie, sur le Mystère de l’Eucharistie.
La Tradition de l’Église, pour désigner !’Eucharistie, emploie l’expression de « Sacrement de l’Amour». J’ai pensé à François de Sales qui, lui, a reçu le titre de « Docteur de l’Amour divin».
Il dit, à propos de l’Eucharistie, dans sa langue du XVIIe siècle : « Elle est le Soleil des exercices spirituels, le centre de la religion chrétienne, le cœur de la dévotion. Mystère ineffable qui comprend l’abîme de la charité divine. »
Ces propos rejoignent ce que dit le Concile Vatican Il : « L’Eucharistie est la source et le sommet de la vie et de la mission de l’Église. L’Eucharistie contient tout le trésor spirituel de l’Église, c’est-à-dire le Christ lui-même qui est notre Pâque, lui le Pain Vivant. »
L’Eucharistie est le grand Don de Dieu aux hommes, le don de son Fils, le Pain de Dieu.
C’est lui qui descend du Ciel et donne la vie au monde.
Nous nous rassemblons pour célébrer l’Eucharistie ensemble, pour célébrer le Seigneur mort et ressuscité. Nous sommes comme plongés dans le Mystère Pascal.
Que se passe-t-il lors de la dernière Cène? Que s’est-il passé à ce moment-là ? Quand Jésus dit : « Ceci est mon Corps, qui est donné pour vous. Ceci est mon Sang, versé pour vous et pour une multitude. » Que se passe-t-il dans ce geste ? Jésus anticipe l’événement du Calvaire, il accepte par amour toute la Passion, avec sa violence, jusqu’à la mort en croix. En l’acceptant de cette manière, il la transforme en acte de donation, du don total de lui-même, qui traverse la souffrance et la mort, pour parvenir à la Résurrection et donner la vie au monde.
À chaque fois que nous célébrons !’Eucharistie, nous sommes invités à nous laisser traverser par ce Mystère.
En célébrant ensemble le Sauveur, mort et ressuscité, se constitue la communauté qu’est l’Église.
Se rassemblent autour de !’Eucharistie, en présence du Seigneur, des personnes différentes par l’âge, par leur condition sociale, leurs idées politiques … L’Eucharistie ne peut jamais être un fait privé, réservé à des personnes qui se sont choisies par affinité ou amitié. L’Eucharistie est un culte public qui n’a rien d’ésotérique, d’exclusif. Nous ne choisissons pas qui nous rencontrons. Nous venons et nous nous trouvons les uns à côté des autres, réunis par la foi et appelés à devenir un Corps unique, en partageant le seul Pain qui est le Christ. Nous sommes unis au-delà de nos différences, nous nous ouvrons les uns aux autres pour devenir un à partir de lui.
L’Eucharistie est instituée pour que nous devenions frères. Pour que, d’étrangers dispersés, indifférents les uns aux autres que nous étions, nous devenions uns, égaux et amis. Elle nous est donnée pour que, de masse apathique, égoïste, travaillée intérieurement par des divisions et des hostilités, nous devenions un peuple, un vrai peuple, croyant et ami. « Peuple d’un seul cœur et d’une seule âme». {Paul VI–1965)
Nous sommes invités à vivre en cohérence avec l’Eucharistie.
La fête d’aujourd’hui, du Saint Sacrement du Corps et du Sang du Seigneur, a aussi pour objet de raviver en nous la foi en la Présence Réelle, substantielle, permanente, du Christ sous les espèces eucharistiques.
Le pain et le vin consacrés sont changés en Corps et Sang du Christ.
« Nous croyons que la mystérieuse présence du Seigneur, sous ce qui continue d’apparaître en nos sens de la même façon qu’auparavant, est une Présence vraie, réelle et substantielle» confesse saint Paul VI dans sa célèbre Profession de Foi.
C’est pour cela que nous pouvons l’adorer. La célébration eucharistique est liée à l’adoration et l’adoration, à la célébration.
L’action d’adoration en dehors de la messe prolonge et intensifie ce qui se réalise dans la célébration eucharistique.
Je pense aux milliers d’hommes et de femmes, dans l’histoire de l’Église, qui ont consacré leur vie à l’Eucharistie, qui ont puisé la Charité dans l’adoration silencieuse devant la Présence Réelle du Seigneur dans !’Eucharistie. Je pense au bienheureux Charles de Foucault qui passait des nuits entières devant le Saint Sacrement en plein désert. Je pense aux paroissiens du curé d’Ars, intrigués par leur curé qui passe, lui aussi, des nuits entières devant le Tabernacle. Ou à sainte Mère Teresa, qui passe de l’adoration du Saint Sacrement au service des plus pauvres et des mourants, considérant que c’est le même acte.
Avons-nous encore le cœur assez humble et simple pour nous mettre à genoux devant le Seigneur présent au milieu de nous?
Nous nous prosternons devant un Dieu qui est d’abord penché vers l’Homme, comme le Bon Samaritain, pour le secourir et lui redonner vie. Et il s’est agenouillé devant nous pour laver nos pieds sales.
Adorer le corps du Christ veut dire croire que là, dans ce morceau de pain, se trouve réellement le Christ qui donne son vrai sens à la vie.
Saint Jean-Paul Il compare l’adoration avec l’apôtre Jean qui repose sa tête sur la poitrine de Jésus, lors de la dernière cène, pour en recevoir la charité et le repos.
Nous recevons le Christ en nourriture, nous communions au Corps et au Sang du Seigneur.
« Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la Vie Eternelle. »
« Celui qui mange ma Chair et boit mon Sang demeure en moi et moi en lui. » « Ma Chair est une vraie nourriture et mon Sang une vraie boisson. »
Dieu s’est fait homme pour nous sauver, mais il a voulu aller plus loin, il s’est fait nourriture pour que nous nous nourrissions de lui, pour que nous devenions d’autres Lui.
«La participation au Corps et au Sang du Christ n’a pas d’autre résultat que de nous faire passer en celui que nous recevons. » dit le Concile.
Ainsi nous devenons des « porte Christ». Son Corps et son Sang se répandent dans nos membres. De cette façon, nous devenons participants de la nature divine.
Il est bon que nous ravivions en nous, en ce jour de fête, notre conscience de ce que nous célébrons et recevons dans l’Eucharistie. Que nous nous interrogions sur notre relation à l’Eucharistie. Comment nous nous approchons de l’Eucharistie.
Est-ce que les intentions de nos cœurs, est-ce que nos manières de vivre tendent à être en cohérence avec l’Eucharistie ? Ou en sommes-nous?
Pour conclure, je vous livre une pensée du Curé d’Ars :
« Oh ! mes enfants, que fait Notre Seigneur dans le Sacrement de son amour? Il a pris son bon cœur pour nous aimer. Il sort de ce cœur une transpiration de tendresse et de miséricorde pour noyer les péchés du monde. »
«La nourriture de l’âme, c’est le corps et le sang d’un Dieu. Il y a de quoi, si l’on y pensait, se perdre pour l’éternité dans cet abîme d’amour ! »
« Ne dites pas que vous n’en êtes pas digne. C’est vrai : vous n’en êtes pas digne, mais vous en avez besoin. »
Qu’en cette fête nous soit accordé un accroissement de la Charité.
Mgr Yves Le Saux Evêque d’Annecy
Nous célébrons aujourd’hui la fête de la Visitation. Bien sûr, nous prions pour nos sœurs de la Visitation, en particulier pour sœur Marie-Angélique, qui célèbre le jubilé de sa consécration religieuse.
C’est aussi l’entrée dans le Triduum de la Visitation. Chaque année, nous essayons de mieux nous mettre à l’école de saint François de Sales.
Nous venons d’entendre le récit de la rencontre entre Marie et Élisabeth dans l’Évangile de saint Luc. Marie vient d’apprendre qu’elle sera la Mère du Sauveur et elle porte en elle Jésus. Élisabeth qui, dans sa vieillesse – alors qu’on l’appelait la femme stérile – contre toute attente – est elle aussi enceinte. Elle porte en elle Jean-Baptiste.
Nous assistons à la rencontre entre une vieille dame et une jeune fille. L’Église a toujours vu, dans cette rencontre, la rencontre entre l’Ancien et le Nouveau Testament, entre l’attente de l’humanité vieillissante et à bout de souffle, et Dieu son Sauveur qui vient vers elle.
Entre la vieille humanité qui n’a plus d’espérance et la nouveauté absolue de la jeunesse éternelle de Dieu. Et cela a engendré la joie.
Avec Marie portant Jésus, c’est la Joie et l’Espérance qui entrent dans le monde.
C’est comme une cascade de joie. À la voix de Marie, Jean-Baptiste tressaille de joie dans le sein d’Élisabeth, ce qui provoque une exclamation de bonheur, ce qui provoque l’exultation de Marie, le Magnificat.
Ce texte est aussi la rencontre entre deux enfants, alors qu’ils ne sont pas encore nés. Mystérieuse rencontre entre Jésus et Jean. Certains Pères pensent que c’est à ce moment-là que Jean a reçu sa vocation, sa mission, de Jésus lui-même. Cette rencontre mystérieuse nous dit quelque chose sur le mystère de la vie humaine depuis son commencement. « Avant que tu ne sois façonné au sein de ta mère, je te connaissais. Avant que tu ne sortes de son ventre, je t’ai consacré » dit le Seigneur dans le Livre de Jérémie.
En ce jour de fête, nous sommes invités à entrer dans cette joie, ou plus exactement, de la laisser entrer en nous.
Il s’agit de la joie du Salut, la joie des humbles, la joie du pardon, la joie de Dieu lui-même, la joie du Ciel. « Dieu est le Dieu de la joie », répétait sans cesse saint François de Sales.
La joie qui est la réponse à l’infinie tristesse qui habite le cœur de tant d’hommes et de femmes. C’est la joie de l’Espérance qui jaillit de la mort et la résurrection du Christ. Celle à laquelle nous invite à entrer le pape François pendant l’année jubilaire qui va s’ouvrir le 24 décembre 2024.
Le texte de saint Luc nous dit aussi que Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse. Cet empressement, qu’on peut traduire par : « avec hâte » ou « rapidement », « immédiatement ».
L’Église a toujours reconnu, dans l’empressement de Marie, l’expression de sa charité. D’ailleurs, lorsque l’on médite, en récitant le chapelet, le mystère de la Visitation, la tradition de l’Église y associe le fruit de la Charité. La Charité qui pousse Marie à visiter sa cousine. Il n’y a, chez Marie, aucun retour sur elle-même. Sa charité est immédiate.
À la suite de Marie, nous sommes invités à ne pas attendre pour vivre la Charité, à sortir de nous-mêmes, à nous décentrer de nous-mêmes.
J’ai en mémoire les propos du pape François adressés aux jeunes dans sa lettre, Il vit le Christ :
« Je veux rappeler la grande question. Tant de fois dans la vie, nous perdons notre temps à nous demander « mais qui suis-je ? » Mais tu peux te demander qui tu es et passer toute ta vie en cherchant qui tu es. Demande-toi plutôt « pour qui tu es ». Tu es pour Dieu, sans aucun doute, mais il a voulu que tu sois aussi pour les autres. Il a mis en toi beaucoup de qualités et d’inclinations, des dons et des charismes qui ne sont pas pour toi, mais pour les autres. »
Sainte Marguerite-Marie disait : « La véritable dévotion au Sacré-Cœur, c’est la charité fraternelle. » Je la cite : « Si vous voulez vous rendre disciple et fille du Sacré-Cœur, vous devez vous rendre douce et humble comme lui. Douce à supporter les petits ennuis, humeurs et chagrins du prochain, sans vous fâcher des petites contradictions qu’il vous fera, mais au contraire, lui rendre de bon cœur les services que vous pouvez. Car c’est là le vrai moyen de gagner les bonnes grâces du Sacré-Cœur.
Conformez-vous le plus qu’il vous sera possible à son humilité et à sa douceur envers le prochain, surtout envers ceux pour qui vous avez le plus d’antipathie. Soyez leur cordiale. Ne concevez jamais aucune froideur contre le prochain.
L’Amour veut tout ou rien, il ne veut point un cœur partagé. Le cœur du Christ réclame tout, sans réserve, de ceux qu’il aime. »
Je me permets de vous livrer ces propos, en particulier à vous, sœur Marie-Angélique, qui célébrez votre jubilé aujourd’hui.
La Charité, c’est maintenant.
Mais peut-être ce qui caractérise le plus la Vierge Marie, c’est la foi. « Heureuse, celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur » s’exclame Élisabeth.
La foi, ce n’est pas des convictions ou croire coute que coute à des vérités que l’on ne comprendra jamais. Croire, c’est rentrer dans une relation, c’est un acte par lequel on se confie librement à Dieu, qui est Père et qui nous aime.
La foi, c’est une réponse libre à Dieu qui, librement, se montre à nous. Elle naît de la rencontre avec Dieu vivant, un Amour qui nous précède et cela transforme toute notre vie.
C’est exactement ce que vit la Vierge Marie. Elle est celle qui a dit « oui » à l’invitation de Dieu.
Nous n’avons pas fini de méditer sur cet événement. Dieu a voulu lier le Salut du monde à la liberté d’une jeune fille. Le « oui » de Marie est un véritable « oui ». Elle aurait pu dire non. Saint Bernard dit que « Dieu cherchait une nouvelle entrée dans le monde et qu’il frappa à la porte de Marie. » Il ne pouvait racheter l’Homme, créé libre, sans un « oui » libre à sa volonté.
Quand Marie a dit oui, Jésus a été conçu en elle et avec lui, le Salut est entré dans le monde. Le « oui » de Marie s’est déroulé dans l’intimité de la rencontre entre l’Ange et Marie. Événement humble que personne n’a vu et connu, sinon Marie. Et pourtant, toute l’Histoire de l’humanité en est changée.
La foi de Marie est une réponse libre à l’initiative de Dieu. C’est aussi un acte de confiance qui va traverser des moments obscurs, jusqu’à la passion et la mort de Jésus sur la croix. La foi de Marie va de la joie de l’Annonciation, de l’exultation de la Visitation et passe par la nuit de la Crucifixion, pour atteindre la lumière de la Résurrection.
Avec Elizabeth émerveillons-nous de ce Mystère.
Nous-mêmes, le Seigneur sollicite notre liberté et a besoin de notre « oui ». Le Seigneur cherche aujourd’hui des cœurs disposés à se livrer à son Amour de manière totale.
Vous le savez, être chrétien, ce n’est pas seulement croire que Dieu existe, ni admirer la figure de Jésus, ni être séduit par la beauté de Marie. Mais c’est marcher avec Jésus, être disciple. Ce n’est pas être parfait, mais lui faire confiance et marcher à sa suite. Avec empressement, comme Marie.
En ce jour de la fête de la Visitation, avec saint François de Sales, sainte Jeanne de Chantal, mettons-nous à l’école de Marie :
Marie, source de notre joie.
Marie, modèle de charité.
Marie, modèle de la foi.
Marie, Mère de l’Espérance.
Mgr Yves Le Saux Evêque d’Annecy
Lecture de l’Évangile selon saint Marc (1, 12-15)
Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle !
Quarante jours pour changer de vie.
Quarante jours pour nous changer le cœur.
Ce temps de Carême qui s’ouvre aujourd’hui devant nous, frères et sœurs, ces six semaines d’ici Pâques, si nous en faisions un temps pour changer ? Un temps pour nous bouger la tête, le cœur, la vie !
Nous nous résignons trop facilement en nous disant : « Maintenant c’est comme ça ; je suis comme ça… Plus grand chose à faire… » L’avenir semble bouché et ma vie, mes divers engagements ont bien souvent le goût d’une endive à la vapeur. Quelle tristesse !
Mais aujourd’hui le Seigneur vient et nous dit : « Allons, courage, debout ! Écoute ce désir en toi de te renouveler, de reprendre les choses à neuf. »
C’est une invitation pour nous à regarder le monde, notre vie, nos engagements avec les yeux de Jésus, aimer ce que nous faisons, les personnes que nous côtoyons avec le cœur de Jésus plein d’affection, de patience et de miséricorde. Autre façon de dire ce que Jésus nous dit dans l’Évangile de ce dimanche :
« Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle ! »
Attention cependant : précisons, car « convertir » est un mot ambigu. Il évoque conversions forcées, fanatisme religieux, inquisition… Comme le mot « pénitence » qui n’a guère meilleure allure. Redonnons alors à ces mots leur signification. En hébreu comme en grec il s’agit bien d’un changement du cœur, d’un changement d’existence. Non pas changer pour le plaisir de changer.
Changer, pour la Bible, c’est par exemple quand Dieu ramène le cœur des parents vers leurs enfants. Chaque fois que nous ne restons pas indifférents, insensibles devant nos semblables, eux qui sont « notre propre chair », notre propre chair souffrante et blessée, marquée par la faim ou le froid, par des paroles assassines, des vieilles rancunes, dans le corps ou dans le cœur.
Changer, se convertir, c’est appeler à la réconciliation et à la paix. Ainsi la conversion, dans la Bible, c’est le grand mouvement de retour : non pas retour en arrière, mais retour en soi-même, retour vers l’autre, retour vers Dieu. Refaire à l’autre sa vraie place dans notre existence : l’autre, proche ou différent.
L’autre, le Tout Autre, Dieu lui-même, quand il vient frapper à notre porte, sous un visage ou un autre…
Pourtant, là encore attention !
Quand on parle de changer, on pense en général aux autres plutôt qu’à nous -même. Ce sont eux qui ont tort, bien sûr, et non pas moi : c’est donc à eux de changer.
Je pense que ce n’est pas là la meilleure façon de s’y prendre, pour deux raisons :
D’abord vous avez entendu ce que dit Jésus dans l’Évangile. Il a dit : « Convertissez-vous ! Il n’a pas dit : « Convertissez les autres ! »
Nous le savons bien sûr, il nous demande d’aller vers les autres porter son message, mais lui, comment s’y prenait-il ? A-t-il utilisé la force, ou même la persuasion ?
Non, tout simplement il venait. Il était là, désarmé, doux et humble de cœur et alors il se passait quelque chose dans le cœur des gens.
Regardez par exemple Zachée. Il y avait beaucoup de choses à changer dans sa vie. Pourtant Jésus ne cherche pas à le persuader, il ne lui fait aucun reproche. Il lui fait au contraire l’honneur d’aller manger et loger chez lui. Et voilà alors notre Zachée au milieu du repas qui se lève et qui déclare : « Aujourd’hui je change ; aujourd’hui je commence une vie nouvelle ! »
Frères et sœurs, il en va toujours ainsi dans l’Évangile. Jésus est là. Il regarde les gens et il leur dit : « Lève-toi et marche ! Ta foi t’a sauvé. En toi il y a une force neuve… »
Jésus n’a pas été un convertisseur. Il a été un éveilleur.
La deuxième raison pour laquelle il vaut mieux se changer soi-même que les autres, c’est que le plus difficile, c’est sans doute de se réconcilier avec soi-même. Pour y arriver, cessons de pleurnicher sur notre sort, sur nos misères, sur les ‘’casseroles’’ que nous trainons, arrêtons de nous plaindre et d’attirer l’attention sur notre petite personne.
Rejeter la faute sur les autres, ça nous arrive tous les jours, parce qu’il nous est trop difficile de reconnaître, d’accepter que telle chose qui m’arrive, en réalité, c’est bien de ma faute. Je sais bien que je suis en réalité coupable, mais la culpabilité est trop lourde à porter par moi. Alors, lève la tête, ouvre les yeux, prends ton courage à deux mains et va vers les autres.
C’est dans le regard de l’autre que je trouverai le courage dont j’ai besoin pour me regarder à nouveau en face, pour m’accepter, m’estimer et m’aimer moi-même.
Vous savez, il y a des gens, rien que de les rencontrer, c’est le meilleur de nous-mêmes qui se réveille, qui se remet à vivre. Et vous en connaissez de ces gens du quotidien qui ne font pas de bruit, mais qui font beaucoup de bien quand il s’établit avec eux une sorte d’échange silencieux, lumineux, qui nous fait respirer.
Je vous invite à les repérer dans votre entourage, à mettre ce matin leurs prénoms sur vos lèvres, à les remercier, à prier pour eux.
Telle est la rencontre avec le Christ, dans l’Évangile, dans la prière.
Frères et sœurs nous voilà placés sur un chemin d’espérance… Alors joyeux Carême à tous !
Père Jean-Yves Le tué, msfs
Évangile de st Marc 1, 14-20
« Le Royaume de Dieu est là tout près de vous ! »
Frères et sœurs, laissez votre inquiétude à la porte :
Le Royaume de Dieu est tout proche.
Frères et sœurs, prenez conscience de ce qui arrive, de celui qui arrive : Ne vous découragez pas derrière n’importe quel discours, quelle idéologie, quel journal, quelle émission de télé…
Convertissez-vous, croyez enfin à l’amour.
Le monde a besoin de votre amour.
Il a besoin de l’intelligence que donne l’amour pour se guider dans la vie. Et pour discerner ce qui convient…
Le monde a besoin de cœurs de chair qui refusent la guerre et la souffrance de tant de nos contemporains. Et qui savent dire non à la violence et aux pharisiens de tous les temps.
Le monde a besoin de joie.
Au cœur des malheurs du monde, la joie n’est pas une fuite, une lâcheté, elle est la certitude que l’amour de Dieu est présent. Et qu’il nous précède… Elle est admiration de ce que Dieu donne.
Il n’y a plus de délai. Le délai est rempli… C’est aujourd’hui que le Christ passe et nous dit « Derrière moi. » Le monde a besoin de toi.
Ne dites pas je suis trop jeune, je suis trop vieux… Le monde a besoin de ton cœur, de ta joie, d’amour… Pensez-vous être trop vieux, ou trop jeunes pour l’amitié, pour le sourire. Pour la foi ?
« Derrière moi. » En saint Marc, les mots de Jésus claquent… Mais comment marcher derrière toi, Seigneur ?
Comment reconnaître ton chemin pour te suivre ?
Pour parcourir ce chemin, je vous propose quatre étapes :
1/ La lecture et la méditation de la Parole, de l’Évangile en particulier… Comment suivre le Christ si nous ne le connaissons pas ?
2/ La récitation du chapelet :
Marie est l’aide la plus précieuse pour nous aider à nous tourner vers Jésus, le fruit de ses entrailles.
3/ La vie paroissiale qui nous entraine et nous organise, pour nous former à témoigner, pour célébrer et pour être efficaces dans l’aide à notre prochain.
4/ Et bien sûr, l’Eucharistie source et sommet de toute vie chrétienne parce qu’elle nous permet de rencontrer le Christ et de devenir Corps du Christ.
« Derrière moi ! » En saint Marc, les mots claquent.
Le ton est autoritaire. Les traducteurs l’adoucissent en plaçant un « venez, venez derrière moi » …
Nous rêvons d’un Christ qui nous ménage, qui nous dorlote, qui nous bichonne. Et voilà qu’il nous dit : « Derrière moi. »
Certes, il ne veut pas prendre les moyens de nous obliger. Nous sommes libres ! Il respecte notre liberté. Mais, on le sent, l’ordre est fait pour nous tarauder le cœur. C’est bien à nous, à chacun d’entre nous, qu’il s’adresse. Il nous faut marcher derrière lui. Encore et encore.
Nous pouvons en avoir assez de marcher en confiance, sans voir, sans comprendre. Nous pouvons en avoir assez de ne le voir que de dos. Il nous dit cependant « Derrière moi » … J’oserai ajouter : Derrière moi pour voir le monde comme je le vois. Avec le même point de vue, le même cœur… la même volonté de tout donner.
Or nous sommes tous un peu Jonas… devant le monde moderne, devant la grande ville au fond, nous ne croyons pas possible que la grande ville se convertisse…
Cela nous fait souffrir … mais nous nous habituons, nous nous résignons. Nous écoutons ceux qui nous parlent de changement perpétuel, de diversité, de complexité, d’absence de contraintes, d’individualisme, d’éclatement, de sécularisation …
Nos nous lamentons… Comme cela peut être agréable de se lamenter ! Mais, pas plus que Jonas, nous n’avons le regard du Christ sur la ville. Nous regardons différemment, d’ailleurs… comme des urbanistes, des sociologues, comme des nostalgiques, comme des incapables … Mais nous ne nous plaçons pas derrière le Christ pour voir ce qu’il voit avec le même amour que lui.
Et pourtant saint Paul a raison. Le temps est limité … Paul ne dit pas : « je n’ai pas le temps » … ou, au contraire « On a tout le temps ». Il dit « le temps est limité ».
Le temps est limité parce que le Royaume de Dieu est tout proche. Parce que le bonheur est à portée de main, parce que Dieu vient à notre rencontre et qu’il peut nous surprendre à n’importe quel moment. Serons-nous prêts ?
Cela paraît si simple … « Derrière moi » …
Le Christ passe.
Le Christ nous appelle.
Il vous appelle.
Vous. Que répondrez-vous ?
Amen.
Père Jean-Yves Le Tué, msfs
Matthieu II, 1-12
Pèlerins en marche pour une rencontre !
Oui, les mages se mettent en route, les yeux levés vers la lumière, non seulement celle d’une étoile, mais celle éclairant le visage d’un nouveau-né, lumière de Dieu.
Si les mages se mettent en marche, leurs mains sont chargées de cadeaux.
Frères et sœurs, en cette période des fêtes, vous avez offert et reçu des cadeaux. Vous vous êtes interrogés pour savoir ce qui ferait plaisir à la personne bénéficiaire de vos cadeaux, et vous cherchiez à les personnaliser.
Les cadeaux des mages manifestaient bien la responsabilité du nouveau-né de Bethléem : l’or parce qu’il était roi, l’encens parce qu’il était Dieu, la myrrhe parce qu’il était mortel.
Que nos mains alors, (ce soir) ce matin, apportent nos présents à Celui que nous sommes venus rencontrer après avoir été guidés par Dieu lui-même, et au moment où nous nous prosternons devant lui.
Parce qu’il est Roi, nous lui offrons notre désir de vivre en citoyens de son Royaume. En effet, ce Roi n’est pas à l’image du tout puissant Hérode, sa royauté n’est pas de ce monde. Il n’a pas d’armée, il n’a pas de trône sinon une croix, il n’a pas de couronne sinon celle tressée avec des épines ; il se présente comme celui qui est venu non pas pour être servi, mais pour servir. Alors nous ne pouvons pas lui faire plus plaisir en lui présentant nos mains offertes pour la construction de la Paix, pour les efforts de solidarité, les démarches de réconciliation, autant de gestes qui participeront à l’établissement de son Royaume d’amour. Voilà le premier cadeau.
Parce qu’il est Dieu, nous lui offrons notre prière. Notre cadeau, c’est le temps que nous prenons pour célébrer chaque dimanche l’Eucharistie, pour méditer la Parole de Dieu, pour lui offrir notre louange et lui présenter nos demandes. Si dans nos mains nous avions un agenda, il faudrait y noter des plages réservées à la prière. Voilà notre second cadeau.
Parce qu’il est Dieu fait homme, et qu’il s’identifie aux hommes ses frères, nous lui offrons notre regard porté sur tout homme, spécialement sur les plus petits, les plus pauvres, en lui disant qu’en eux nous reconnaissons son visage. Oui, nous voulons croire que ce que nous faisons à l’un de ces petits qui sont nos frères, c’est à lui que nous le faisons. Voilà notre troisième cadeau.
Frères et sœurs, chaque Eucharistie nous permet de faire l’expérience des mages venus d’Orient. Ce matin, nous nous sommes mis en marche pour venir dans cette église, nous étions comme guidés, et nous avons répondu à l’invitation du Seigneur.
Nous avons écouté la Parole de Dieu.
Avec le pain et le vin nous allons offrir nos cadeaux : notre engagement pour faire advenir le Royaume, notre temps pour la prière, et l’amour de nos frères en humanité.
Puis nous nous prosternerons pour adorer celui qui est présent parmi nous par son Corps par son Sang et que nous allons recevoir comme les plus beaux cadeaux de Dieu.
Enfin, c’est par un autre chemin que nous allons repartir, car, après avoir rencontré le Sauveur du monde, nous ne pouvons pas reprendre la route comme nous sommes venus. Si nous étions installés, il nous faut bouger ; si nous étions inquiets, il nous faut être en paix ; si nous étions tristes, il nous faut essayer de retrouver la joie ; si nous doutions, il nous faut oser croire.
En ce tout début d’année nouvelle : « Ayons le courage d’être heureux… Ayons le courage de passer une bonne année. »
Parfois, il faut s’obliger à la joie. Et puis, il faut avoir le courage de ne pas se tromper de bonheur. « Là où est ton trésor, là aussi est ton cœur. »
Frères sœurs, pour vivre une authentique relation d’amour avec Dieu, avec l’être aimé, une saine relation d’amitié avec un ami, « maintenir la flamme » comme nous disons parfois, il faut que nous ayons le cœur à la bonne place. Cette année encore, regardons où nous mettons notre cœur.
Enfin, un mot particulier pour vous à qui il faut encore un plus grand courage. Vous avez été éprouvés… une maladie, un deuil, une séparation, un souci professionnel, une vie affective pas toujours bien ajustée. Je souhaite à chacun et à chacune un rayon de joie paisible, parce que, au-delà des nuages gris et même des nuages noirs, perce toujours le soleil de la vie. Le soleil de la tendresse et de la miséricorde de Dieu. Dieu se tient toujours, en priorité, à côté des petits et des fragilisés. Dieu, promesse d’amour, est le plus sûr des compagnons de marche, il adaptera son pas aux nôtres.
N’en doutons pas, l’Épiphanie que nous célébrons aujourd’hui est pour chacun d’entre nous une véritable manifestation de Dieu. Amen.
Père Jean-Yves Le Tué
Luc 2, 16-21
Nous te saluons, Mère très sainte !
La fête de Noël nous a fait contempler Jésus Emmanuel, Dieu–avec-nous. Cette fête plus discrète de Marie Mère de Dieu, en ce premier janvier, également la journée mondiale de la paix, porte nos regards vers Marie rayonnante dans sa maternité. Après avoir fêté le Fils, nous honorons aujourd’hui la Mère.
Quand ils arrivèrent, les bergers découvrent cette petite famille bien au chaud dans l’étable, le nouveau-né en train de téter le sein de Marie et Joseph qui regarde tout joyeux cette scène de la maternité remplie d’humanité et de tendresse.
Dieu est là ! Dieu veut se révéler dans cette image d’une maman qui aime son enfant. Quoi de plus normal ! C’est ainsi que Dieu aime.
Et moi dans mon quotidien, comment je peux évoquer l’amour maternel ?
… dont je suis l’objet de la part de ma mère.
… que j’ai en moi pour mes enfants, mes petits-enfants.
… que je peux contempler autour de moi dans les jeunes mères, ou de vieilles mamans.
L’amour maternel : une des meilleures images de Dieu.
Le nouveau-né dans un berceau de fortune, une mangeoire…
Une vie nouvelle, c’est passionnant !
Voir naître la vie.
Chaque fois que naît quelque chose, ou quelqu’un, c’est merveilleux : il y a un mystère, une possibilité nouvelle, encore jamais vue, qui apparaît. Que sera cet enfant ?
Dans ce bébé que Marie a mis au monde, un « monde nouveau » commence, un renouvellement total de l’univers entier, un changement radical de l’humanité.
Ce nouveau-né couché à même la paille…
Aucun palais, pas de couffin soyeux et doux, pas de couche jetable, pas de doudou, aucune richesse. Le comble de la pauvreté, du dénuement. Aucune apparence glorieuse. Dieu est bien caché. Je T’adore, Seigneur, déposé sur la paille. Comme Tu es déconcertant, Seigneur !
Après avoir vu, les bergers racontèrent ce qui leur avait été annoncé au sujet de l’enfant…
Ce qui leur avait été annoncé ? « Soyez sans crainte… je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple. Un Sauveur vous est né, qui est le Christ Seigneur… Gloire à Dieu, et paix pour les hommes, ses bien-aimés ». Voilà « ce qui est annoncé » !
Ce que racontaient les bergers ? « Nous avons trouvé un bébé couché dans une mangeoire » !
Et tout le monde s’étonnait : il y avait quoi s’étonner ! Dieu est étonnant.
Est-ce que j’accepte de me laisser conduire là où Dieu veut ? Est-ce que je consens à me laisser déconcerter, étonner, par Dieu ? Où veux-tu nous mener, Seigneur, avec tout cela ?
Marie se souvient. Dans la foi, elle devine que la mission de son enfant la dépasse : Elle ne sait pas encore jusqu’où cela va l’entrainer ; elle l’apprendra au fil des jours. Quelques années plus tard, en effet, lorsque Jésus enfant restera au Temple lors d’une montée annuelle pour la Pâque juive, elle l’entendra dire, à elle et à Joseph : « Ne saviez-vous pas que je dois être chez mon Père ? »
Pour l’heure, à Bethléem, elle « retenait tous ces évènements et les méditait dans son cœur » (Lc 2, 49)
Oui, Marie est heureuse de donner Jésus au monde. Jésus signifie « Dieu sauve » car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. (Mt 1, 21) Et, en même temps, elle va découvrir combien ce don est exigeant pour elle, associée au destin de son enfant. Dans toute la vie de Jésus et jusqu’à la Croix, Marie ne sera jamais très loin de Lui. Elle sera bien souvent la première en chemin à nous entrainer à la suite de son Fils.
En célébrant aujourd’hui la maternité de Marie, n’oublions pas que le Christ nous l’a aussi donnée pour mère. Disons-lui : « Sainte Marie, Mère de Dieu, prie pour nous » … au seuil de cette année nouvelle ! Amen.
Père Jean-Yves Le Tué
Homélies 2023
Luc 2, 22-40
La Sainte Famille ! Une famille formidable comme les nôtres et aussi sainte !
Noël est une fête de famille. Même si le cœur n’est pas beau, on se retrouve en famille pour reprendre cœur autour du sapin ou de la crèche. Et les larmes secrètes restent proches car les familles sont toujours un peu blessées ou dispersées.
Et surtout les familles ne sont jamais comme nous les voudrions. Comment accepter l’autre tel qu’il est, tel qu’il est devenu ou veut devenir ? Par amour nous le voudrions selon nos vues, alors que l’amour renonce à toute emprise.
Les parents n’ont jamais les enfants dont ils rêvaient…et les enfants n’ont jamais les parents qu’ils souhaitent. On choisit ses amis mais pas ses enfants, ses parents, ni ses frères et sœurs !
Fondamentalement, la famille est un lieu d’adoption ! Les parents doivent adopter leur enfant, même de la même chair, car il ne leur appartient pas. Et tout enfant doit adopter un jour ses parents car il ne les a pas choisis.
Alors, dans cet esprit, la famille de Jésus est très proche des nôtres et elle devient modèle car l’amour d’adoption y est réussi. Comme dans toute famille, il y a des rites à accomplir, des traditions à honorer, des habitudes familiales et culturelles à observer.
Pour certaines familles, il y a ce désir de baptiser l’enfant très tôt, pour d’autres, ce sera plus tard, à l’adolescence. Pour d’autres familles encore, cet enfant nouveau-né, devenu la star du moment, attire toute l’attention de la famille et des amis qui accourent à la maternité ou à la maison et le couvrent de cadeaux. Et surtout, les jeunes parents ne manqueront pas d’aller à la maison de retraite visiter la mémé Jeanne et lui mettre dans les bras son arrière-petit-fils ou petite fille. C’est normal, c’est le plus beau bébé du monde. Et tout le monde est heureux.
Pour Jésus, quand fut accompli le temps prescrit par la loi de Moïse pour la purification, ses parents l’amenèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur. En souvenir d’Abraham sacrifiant son premier-né, la Loi demandait que tout premier-né soit offert au Seigneur. On le conduisait au Temple et les parents ne le reprenaient qu’après avoir présenté une offrande. Marie et Joseph obéissent à la Loi. Comme ils sont pauvres, ils présentent, pour leur offrande, un couple de tourterelles. Et ils le présentent au vieillard Syméon.
Pourquoi donc Syméon a-t-il fait attention à ce bébé de quelques semaines porté par sa mère ? Syméon est un homme de prière ; il médite sans cesse l’Écriture ; Dieu lui a fait connaître qu’il verrait de ses yeux le salut promis depuis des siècles pour son peuple et pour tous les hommes. Syméon est poussé par l’Esprit. Il va au-devant de Marie et Joseph qui viennent présenter l’Enfant-Jésus au Seigneur.
En découvrant l’Enfant dans cette foule où rien ne le distingue, il sait que le moment est venu. Il voit de ses yeux ce qui échappe au regard de l’homme : il voit que Dieu tient parole car il nous aime ; Dieu vient nous sauver. Le signe du petit Enfant suffit à Syméon.
Frères et sœurs, pour nous, aujourd’hui Jésus est le signe qui nous suffit. Le signe qui met en nous la joie et l’espérance. Car la foi nous donne des yeux pour voir non un bébé dans les bras de sa Mère, mais Jésus le Christ, caché et présent en tous ses frères ; Jésus le Messie, qui nous dit dans un monde de violence, la parole et la paix d’amour de son Évangile, dans un monde de lâcheté, la force de l’Esprit ; Jésus qui, au milieu des malheurs de l’Histoire, ne cesse de nous garder l’espérance. Jésus est pour nous le signe qui suffit.
Parce que dans le signe qui nous est ainsi donné par le Père, nous voyons d’avance ce que son amour va accomplir. Nous voyons d’avance l’amour vainqueur de tout mal : l’amour plus fort que la mort, l’amour qui essuiera toutes larmes des yeux des hommes, l’amour qui donnera la joie que personne ne peut nous enlever, l’amour qui est la vie et la source de notre espérance. Jésus est pour nous le signe qui suffit.
Oui, Syméon est rempli de joie et crie sa joie vers Dieu. Mais écoutez ce qu’il dit à Marie, la Mère de l’Enfant :
« Cet Enfant… sera un signe de division ; et toi-même ton cœur sera transpercé par un glaive. Ainsi seront dévoilées les pensées secrètes d’un grand nombre. »
Trente-trois ans plus tard, Marie se souviendra des paroles de Syméon.
Nous avons entendu à Noël l’annonce faite aux bergers qui ne cesse de retentir : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux ; paix sur la terre aux hommes car Dieu les aime. »
Frères et sœurs, sous le patronage de la Sainte Famille, confions à Dieu notre désir d’aimer toujours mieux. Aimer quelqu’un, ce n’est pas l’enfermer dans ses bras, c’est le mettre debout et lui apprendre à marcher sans vous. Comme Marie et Joseph, soyez toujours une présence discrète et attentive auprès de vos enfants, petits et grands. La mission confiée à Marie et Joseph est aussi la mission qui vous est confiée à vous, pères et mères : permettre à vos enfants de croître en sagesse et en grâce et croire profondément que la grâce de Dieu est sur eux.
Vous aussi, particulièrement dans les moments difficiles sachez garder cette présence discrète auprès de vos enfants jusqu’au bout.
Que la Sainte Famille demeure le modèle de toutes les familles du monde entier. Amen.
Père Jean-Yves Le Tué
Quelle joie pour moi de vous retrouver pour célébrer cette fête de la Transfiguration que nous aimons beaucoup.[1]
Le récit de la Transfiguration n’est pas un récit mais une parole de témoins. En effet, Pierre, Jacques et Jean ont été à la fois les témoins et les bénéficiaires de cette « révélation ».
Ce fut pour eux une véritable « initiation » : par le don de Dieu, ils découvrent quelque chose de l’identité de Jésus. C’est d’ailleurs lui, Jésus lui-même, qui avait pris l’initiative de monter sur la montagne pour se « manifester » aux trois disciples choisis.
Et les Apôtres découvrent comme un soleil intérieur, un trop plein de Dieu. Ne portons-nous pas dans notre mémoire et dans nos rêves cette scène comme à la lisière du ciel et de la terre ?
Trois éléments se succèdent dans une véritable progression dans ce récit.
D’abord, l’aspect extérieur de Jésus : son visage brille comme le soleil : il se met à rayonner, comme s’il ne pouvait plus dissimuler la lumière divine qui l’habite. Et ses vêtements eux-mêmes deviennent lumineux.
Ensuite, la présence de Moïse dépositaire de la Loi et d’Élie, représentant les prophètes. Tous deux entourent Jésus comme le personnage central de la rencontre.
Ils s’entretiennent avec lui : la première Alliance vient à la rencontre de la seconde ! Ils témoignent que Dieu fait son œuvre grâce à Jésus son envoyé.
Enfin, la « théophanie », -la manifestation de Dieu,- est préparée par le signe de la nuée qui annonce, comme autrefois au désert, la présence de Dieu que nul ne peut voir.
Et Dieu se fait connaître par une Parole de révélation adressée aux hommes : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ». Ce Fils qui est parfaitement ajusté aux désirs de son Père.
« Écoutez-le ». Aujourd’hui encore, La révélation du Fils de Dieu suppose de notre part un accueil dans la foi. Et ce sont nos oreilles, celles de notre cœur qui prennent le pas sur nos yeux.
La vision de Jésus est rare, mais sa Parole demeure toujours aussi claire et forte, capable d’assourdir tous les faux bruits de notre cœur.
Écouter est plus qu’entendre. C’est accueillir une parole qui nous est adressée, qui nous sollicite : la Parole qu’est le Verbe fait chair. Une Parole à mettre en pratique dans notre vie quotidienne.
Ceux qui se laissent conduire par la contemplation du Seigneur transfiguré deviennent des ouvriers qui préparent la moisson du Royaume.
Sur le visage des êtres qui aiment sans mesure filtre souvent l’humble rayonnement de la Lumière du Seigneur, dans leur regard, leur sourire et leur parole.
Ils sont transparents par leur courage, leur force d’amour et le don quotidien de leur vie ! La transfiguration, c’est chaque jour et en tous lieux de la terre.
Les jeunes qui se sont retrouvés à Lisbonne ont pu vivre une telle expérience par la rencontre de jeunes d’autres pays, les célébrations chantantes et priantes, la joie débordante qui les habitait. Le Pape François leur a adressé des paroles fortes :
« Tous nous sommes aimés de Dieu, tels que nous sommes. » « Le chemin de Jésus, c’est Dieu qui sort de lui-même pour marcher parmi nous, et qui s’est fait chair, par amour pour chacun d’entre nous. »
N’oublions pas aussi ceux et celles, et qui habités par l’Évangile, souvent membres d’associations caritatives, laissent transparaître quelque chose de la bonté de Dieu, dans le quotidien de leur ville, de leur quartier, aux plus démunis, aux plus accablés de leurs frères et sœurs.
Et nous, savons-nous reconnaître le visage du Fils de Dieu, dans le visage défiguré de nos frères ?
L’’invitation « Écoutez-le » est adressée à chacune, chacun de nous, à entendre non seulement un jour, mais chaque jour que Dieu nous donne, notamment par l’écoute de l’Évangile.
Et lorsque les feux de la Transfiguration se seront éteints, il nous restera « Jésus seul », comme l’a écrit Saint Matthieu.
Si nous avons saisi ou plutôt si nous avons été saisis par une seule Parole de Jésus, toutes les autres mélodies s’éteindront et nous irons porter la Bonne Nouvelle.
Un bout de chemin de montagne avec Jésus, un partage du pain et du vin devenus Corps et Sang du Christ et la Transfiguration se reproduit. C’est ce que nous dit l’Eucharistie que nous célébrons maintenant.
Donne-nous Seigneur, de nous laisser transfigurer à ton soleil, pour que nous puissions ensuite nous enfoncer dans le brouillard du quotidien, tout illuminés de ta présence. Amen.
[1] En envoyant cette homélie par courriel, le P. Philippe Muller écrivait : « C’est la première homélie que je vais faire depuis 16 mois! continuez à prier pour mois. Merci. Avec toute mon affection. P. Philippe. »
Homélies 2022
Clôture de l’année jubilaire de Saint François de Sales – 28 décembre 2022 -Fête des Sts Innocents
Nous célébrons aujourd’hui la clôture de l’année jubilaire de Saint François de Sales, à la date anniversaire de sa mort, ou plus précisément de sa naissance au ciel.
Le 28 décembre est aussi le jour où l’Eglise célèbre les Saints Innocents. Nous avons entendu l’évangile qui nous rapporte l’évènement.
Permettez-moi de m’y arrêter un instant. Cette fête n’est pas si facile à saisir. Comment, dans la lumière de Noël, alors que nous sommes émerveillés par la beauté de Dieu qui se fait enfant, peut surgir une telle violence? Cet enfant dans la crèche est, par la méchanceté de l’homme, la cause du massacre d’enfants innocents. Quelle douleur pour Jésus lui-même, pour Marie et pour Joseph !
Il s’agit d’abord, si je puis m’exprimer ainsi, d’un conflit entre le roi Hérode et Jésus, le nouveau roi qui vient de naître. Hérode a peur de perdre son pouvoir. Il ne peut voir en cet enfant qu’un concurrent. Pauvre Hérode qui n’a rien compris. Car Jésus est roi, mais il ne s’agit pas du même type de royauté. Cela nous renvoie à la réponse de Jésus à Pilate qui lui demande : «Alors, tu es roi ?».« Ma royauté n’est pas de ce monde. Si ma royauté était de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré. »
Roi né dans une crèche, son trône : une mangeoire. Plus tard son trône sera une croix.
La grandeur de Dieu est de s’être fait tout petit, sa puissance se manifeste dans la fragilité et la vulnérabilité. Pour le rencontrer, il nous faut nous aussi nous faire petit, descende de nos trônes élevés, apprendre à être des enfants. Ce que refuse de faire Hérode, il a peur de perdre sa gloire et son pouvoir. Nous-même, nous ne sommes peut-être pas comme Hérode, mais nous pouvons avoir des fonctions, des services où nous exerçons un certain pouvoir, où nous bénéficions d’une certaine reconnaissance, d’un certain prestige. Nous pouvons être tentés de nous y attacher. Sommes-nous disposés à nous laisser dépouiller, à nous mettre à l’école de l’humilité de Dieu ?
C’est là que la figure de Saint François de Sales est et doit être pour nous un modèle. Nous avons à nous mettre à l’école de Jésus. Mais pour tous les chrétiens du diocèse, aussi à l’école de François de Sales.
Je relève de l’expérience de Saint François de Sales, quelques pistes qui peuvent et doivent inspirer nos vies personnelles et la vie du diocèse.
1) François de Sales est « Docteur de l’Amour». pour reprendre une formule du Pape St Jean-Paul Il prononcée ici-même, dans cette basilique, en 1986.
« Tout est à l’Amour. Dans ses paroles, nous pouvons accueillir l’héritage spirituel qu’il nous a laissé», dit le pape François dans la lettre qu’il adresse à l’Eglise aujourd’hui.
François de Sales était inlassable pour montrer à ses frères la patience et la tendresse de Dieu, toujours disposé à pardonner, à sauver. Il revient sans cesse sur l’amour de Dieu : « Tout est à l’Amour, en l’Amour, pour l’Amour, en la Sainte Eglise. » Nous connaissons tous ses propos : « Rien par force, tout par amour. »
Il me semble que l’expérience qu’il a vécue, en priant devant la statue de Notre Dame de la délivrance alors qu’il était jeune étudiant à Paris, est fondatrice.
Alors qu’il est traversé par une crise intérieure terrible, à cause d’une théologie fausse sur la prédestination, il connait une crise de scrupules, pris dans une terrible angoisse et un grand désespoir. Il en tombe malade. Il est persuadé qu’il ne peut être sauvé. Auprès de la Vierge Marie il va être libéré. Il entre dans l’Amour, être aimé et aimer.
Demandons l’intercession de François de Sales pour que nous soyons saisis par l’Amour de Dieu. Nous tous, tous les baptisés de notre diocèse. Que tous nos services soient saisis de l’intérieur par l’Amour de Dieu.
L’amour de Dieu et l’amour du prochain sont inséparables. C’est un unique commandement. Mais les deux, cependant, vivent de l’amour prévenant de Dieu qui nous a aimés le premier. Nous avons à faire sans cesse l’expérience de l’amour donné de l’intérieur. L’Amour est divin parce qu’il vient de Dieu et nous unit à Dieu. Un amour qui, par nature, doit se partager aux autres. L’amour grandit par l’amour, à travers un processus d’unification. Il nous transforme en un nous qui surpasse nos divisions et qui nous fait devenir un. Jusqu’à ce que Dieu soit tout en tous.
Il me semble que c’est cela qu’a vécu François de Sales et que c’est cela qu’il veut que nous vivions.
2) François de Sales, dans l’introduction à la vie dévote, et dans nombre de ses écrits et entretiens, a l’intuition géniale et complètement nouvelle à son époque, de proposer l’union à Dieu à tous. Que la vie divine peut, et doit, être vécue par tous, dans les conditions particulières de la vie de chacun. En cela il anticipe ce que le Concile Vatican Il affirme clairement en parlant de l’appel universel à la sainteté.
« Tous les membres de l’Eglise sont appelés à la sainteté. L’appel à la plénitude de la vie chrétienne et à la perfection de la charité s’adresse à tous ceux qui croient au Christ. »
C’est cela que François de Sales propose à ceux qu’il rencontre, c’est à cela qu’il les forme, c’est cela qu’il a offert à toute son époque.
L’enjeu est majeur pour nous aujourd’hui.
Nous parlons beaucoup de nécessaire réforme de l’Eglise.
En réalité il ne s’agit pas d’inventer un nouveau programme, le programme existe déjà, c’est celui de toujours, vivre de l’Evangile. Il est centré sur le Christ lui-même, qu’il faut connaître, aimer et imiter, pour vivre en lui la vie trinitaire, pour transformer l’Histoire.
Il ne suffit pas de renouveler les méthodes pastorales, ni mieux organiser la vie de l’Eglise. Il faut susciter un nouvel élan de sainteté.
C’est cela que François de Sales a suscité à son époque.
Prions pour que notre diocèse soit traversé par un nouvel élan de sainteté.
3) La sainteté de François de Sales est fondée, encore, dans une profonde humanité. Elle se transmet dans des relations simples, amicales, la cordialité avec tous. A travers sa correspondance, ses rencontre personnelles, c’est le cœur qui parle au cœur. Le cœur humain de Jésus qui parle au cœur de François et le cœur de François qui parle au cœur de ceux qu’il rencontre.
Il s’agit d’une pastorale de l’amitié, de l’attention individuelle à chacun.
L’évangélisation se réalise de personne à personne. Dieu n’aime pas des personnes en groupe, mais il aime chaque être humain en particulier.
Nous devons développer une pastorale de l’amitié avec tous, pour transmettre le cœur de notre cœur.
J’ai en mémoire les propos que l’on prête à Saint Vincent de Paul au sujet de François de Sales : « Dieu est bon puisque monsieur de Sales, mon ami, est si bon. »
Que par l’intercession de François de Sales nous soyons conduits à l’amitié envers tous, même ceux qui nous rejettent.
4) Dans la lettre que le Pape François adresse aujourd’hui à l’Eglise pour le 4è centenaire de la mort de Saint François de Sales, il insiste sur le fait qu’il a vécu dans une époque de grands changements. Qu’il s’est laissé toucher et interroger par les problèmes du monde et la nouvelle façon de les considérer.
Il a pris conscience d’un véritable « changement d’époque» auquel il convenait de répondre par des formes anciennes et nouvelles de langage.
En particulier, alors que l’Europe était ravagée par les guerres de religion et le Chablais par des luttes acharnées, il sut voir et considérer la surprenante demande de spiritualité qui apparaissait et les questions inédites qu’elle posait. Il leur a proposé la sainteté, il s’est proposé de répondre d’une manière nouvelle à la soif de Dieu.
Nous sommes nous-même aujourd’hui dans un changement d’époque. Changement plus radical que nous ne l’imaginons, avec ce que cela entraine d’inquiétude et de drame.
Demandons à François de Sales d’être capables de reconnaitre, en ces changements, l’opportunité pour annoncer l’Evangile. Il a su déchiffrer son époque avec la grâce de Dieu.
Benoit XVI disait : « Depuis des décennies on assiste à une désertification spirituelle. C’est le vide qui s’est répandu, mais dans le désert, on redécouvre la valeur de ce qui est essentiel pour vivre. » En réalité, nous sommes attendus.
« C’est pourquoi – dit le Pape François- {François de Sales) nous invite à sortir d’une préoccupation excessive de nous-même, des structures de l’image que nous donnons dans la société, et à nous demander plutôt quels sont les besoins concrets et les attentes spirituelles de notre peuple. »
Saint François de Sales, priez pour nous.
Mgr Yves Le Saux
Homélies 2021
Un soir pas comme les autres… C’était «la nuit même où il était livré », nous dit saint Paul. « Sachant que l’heure était venue de passer de ce monde à son Père », précise saint Jean. … Ce soir-là, ce soir pas comme les autres, Jésus signe sa vie, il nous livre son Testament, dans deux gestes à jamais indissociables : l’Eucharistie et le Lavement des pieds.
La première Eucharistie n’a pas été célébrée dans un monde idéal : Judas mettait en œuvre son plan de trahison, dehors les princes des prêtres mettaient au point leur complot, pendant que les apôtres, eux, se disputaient pour la première place. C’est donc dans un climat de tension et de violence qu’est née l’Eucharistie. .. Ce soir-là, règne comme un sentiment d’échec… Jésus va être livré.
Cette violence est en quelque sorte maîtrisée, elle est même transformée : « Ma vie, nul ne la prend, c’est moi qui la donne » « Ceci est mon corps livré pour vous… mon sang versé pour vous… »… Nous pensons Dieu comme celui qui règlerait nos problèmes du haut de son ciel. Or, voici notre Dieu à genoux devant ceux qui vont l’abandonner : « Ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’au bout »… jusque dans leur trahison ! Jésus nous dit un amour désordonné, excessif, exagéré, vertigineux. Là où nous parlons volontiers de mesure, Jésus nous dit la démesure d’un amour sans condition. Les sages et les savants pourront toujours ricaner, nous savons bien que l’amour seul qui est en mesure de sauver, transfigurer, faire vivre ce monde, cette humanité qui est la nôtre. Mais nous savons aussi combien nous sommes incapables d’y parvenir par nous-mêmes, par nos propres forces.
Pour avoir part la vie de Jésus, nous devons accepter au préalable de nous laisser laver les pieds par l’amour excessif que Jésus nous porte. C’est le sens profond de la remarque que Jésus fait à Pierre qui refuse de se laisser laver les pieds : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi ». Laissons-nous laver, toucher par lui. Au fond, qu’est-ce qui est le plus étonnant, le plus difficile : que Jésus se mette à genoux devant nous ? N’est-ce pas tout autant -et peut-être davantage- que nous le laissions s’agenouiller à nos pieds ? Me mettre à genoux devant le Seigneur, cela va de soi. Mais accepter que Jésus se mette à genoux devant moi ? Me laisser aimer, me laisser sauver,… Alors, je découvre que, dans un temps d’adoration, le Seigneur me précède, il est déjà là, non pas trônant, mais déjà à genoux devant moi.
Nous ne célébrons pas l’Eucharistie ce soir dans un monde idéal. Nous connaissons bien les épreuves de notre monde et aussi ses turpitudes,… Nous-mêmes, sans être forcément Judas, nous nous reconnaissons bien dans ces disciples peu enclins à suivre leur maître jusqu’au don de leur vie. Nous savons bien aussi que notre Eglise, nos communautés chrétiennes ne sont pas meilleures que la première communauté autour de Jésus, qu’elles ne sont pas épargnées par les tensions… On s’y chamaille bien pour des questions de préséance et de pouvoir,… pour des futilités… oubliant la mission qui nous est confiée. C’est dans ce monde-ci que nous célébrons l’Eucharistie… Le pain et le vin sont riches de nos joies, mais lourds aussi de nos épreuves, de nos peurs, de nos heurts,… peut-être même quelquefois de nos haines.
Si la dernière leçon de Jésus à ses disciples est une leçon de service…ne réduisons pas le message à notre mesure tout humaine. Ce geste trouve sa signification dans les évènements qui vont suivre. Le lavement des pieds éclaire ce qui va venir : Jésus quittant son vêtement et prenant la tenue du serviteur, c’est Jésus dépouillé de ses vêtements et étendu sur la croix. Jésus est serviteur en tant qu’il donne aux être humains leur pleine dignité d’enfants de Dieu, affirmant l’égale dignité de tous devant le Père… Je vois ainsi Jésus lavant les pieds de Judas.
Jésus n’a pas simplement « donné sa vie » au sens où il a accepté de mourir, mais il a donné la vie à tous en leur partageant sa propre vie. En nous demandant refaire son geste, à faire ce qu’il a fait lui-même, il ne nous invite pas seulement à être plus aimables mais à donner la vie à nos frères et sœurs en humanité, à œuvrer à l’enfantement d’une humanité nouvelle, en travaillant pour que la dignité de tous soit respectée. « En s’agenouillant pour laver les pieds de ses disciples, Jésus explique sans équivoque le sens de l’Eucharistie. » (Jean Paul II, MND, n° 28).
Lorsque nous célébrons l’Eucharistie, nous ne mimons pas ce que Jésus a fait le soir du Jeudi Saint. Nous « faisons mémoire de la mort et de la résurrection du Christ »… Nous sommes entraînés dans la Pâque du Christ. L’Eucharistie est le sacrement du Ressuscité ; le Christ est présent en tant que ressuscité… C’est le Ressuscité qui nous associe à sa pâque… Le Christ qui se donne, c’est le Christ qui est passé de ce monde à son Père et qui associe son corps -corps-Eglise, corps-humanité- à ce passage du monde au Père… Ce n’est pas sans raison que le baptême conduit de soi à la Table eucharistique… C’est un même enfantement… Lorsque, selon la recommandation du Seigneur – «Prenez et mangez » « Prenez et buvez »-, nous recevons en nourriture le corps livré et le sang versé du Seigneur nous participons à sa vie filiale, nous passons avec lui de la mort à la vie : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi je demeure en lui. … Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour ».
Mgr. Yves Boivineau, Evêque d’Annecy
Merci de cliquer ici