Deuxième dimanche de Carême - 28 février 2021

            Dimanche d’Abraham, cette deuxième étape de notre carême est aussi le dimanche de la Transfiguration.

            « Me voici, Seigneur, je viens faire ta volonté. Ces mots du Psaume 39, nous pourrions les mettre dans la bouche d’Abraham, mais aussi d’Isaac, de Moïse, d’Élie ou encore de Jésus. Car finalement leur destin est le même.

            Ce récit de la grande épreuve d’Abraham, invité à sacrifier son fils, est souvent mal perçu, même par des chrétiens engagés dans la foi.

            Réagissant en tant que parents, lisant la scène d’un point de vue psychologique, ils la trouvent intolérable et indigne de Dieu.

            La conviction que le Dieu de l’Évangile (Père) n’a pas grand-chose à voir avec celui de l’Ancien Testament (Dieu cruel) se renforce en eux, de même que la mise en question de la lecture de l’Ancien Testament dans la liturgie.

            Le texte est à comprendre comme une « mise à l’épreuve » de celui qui doit devenir le père des croyants. Jésus lui-même, dans la tentation au désert sera éprouvé et provoqué à un choix décisif.

            Quel est ce Dieu qui demande à Abraham de lui sacrifier son fils, qui plus est son fils unique qu’il a eu tardivement ans sa vieillesse ? Ni lui, ni sa femme n’y croyaient et puis un jour la promesse de Dieu s’est réalisée. (Gn. 17, 19).

            Ce récit se déroule sur la montagne. C’est là que Dieu se fait voir non comme le Dieu de la mort mais le Dieu de la vie.

            Dieu demande à Abraham de sacrifier, de lui sacrifier son fils et finalement le récit se termine par la promesse de Dieu : « Ta descendance sera aussi nombreuse que les étoiles du ciel et le sable au bord de la mer. »

            Quel Dieu étrange ! Il est celui qui promet et celui qui donne la vie, non sans avoir éprouvé la confiance d’Abraham.

Dieu dit qui il est, non un maître absolu  qui ferait accomplir n’importe quoi à ses enfants.

            Il est le Dieu de la vie, le Dieu des vivants. Le psaume chantera : « Il en coûte au Seigneur de voir mourir les siens. »

            Ensuite, c’est la logique de l’Alliance : le geste d’Abraham « qui n’a pas refusé son fils » est suivi du geste de Dieu qui comble Abraham de sa bénédiction et lui assure une descendance innombrable. Le don suscite un autre don surabondant.

            Dans le texte des Romains, Saint Paul déclare qu’à son tour, Dieu n’a pas refusé son Fils unique : aurait-il un pareil amour des hommes ? « Qui donc est Dieu pour nous aimer ainsi ? »

            Les Pères de l’Église ont souligné que Isaac était la figure de Jésus. Isaac échappe à la mort, par la volonté et la grâce de Dieu. De même lors de la Résurrection, Jésus est arraché à la mort, par l’amour du Père et l’action de l’Esprit vivifiant.

            L’Évangile va-t-il nous dire autre chose ? Nous sommes aussi sur la montagne, la nuée est présente comme dans les théophanies de l’Ancien Testament.

            L’évocation des grandes figures bibliques est forte : Moïse à qui Dieu s’est révélé sur le Sinaï, Élie persécuté se réfugie sur la montagne pour recevoir la révélation de Dieu, tous les deux sont les témoins de l’alliance ancienne.

            Jésus a aussi invité les Apôtres de l’Alliance nouvelle :

Pierre, Jacques et Jean. Et le centre de cette communion, c’est le Christ. Et ils virent Jésus, vêtu de blanc et de lumière, « d’un blanc plus blanc que blanc ! » Alors Les disciples étonnés découvraient un autre Jésus.  

            Jésus se révèle à eux, transfiguré. De la nuée, une voix leur fait une confidence inouïe : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ! »

            C’est dans l’écoute patiente du Fils de Dieu que nous laissons notre vie se transformer par sa lumière. Lui, et maintenant Pierre, Jacques et Jean partagent le secret de Jésus : il est le Fils bien-aimé. Ils sont les seuls à connaître cette révélation.

            Les trois Apôtres ont dû garder le souvenir du beau visage de Jésus. La gloire de Dieu est révélée au mieux quand Jésus est défiguré.

            C’est pourquoi Saint Marc situe la transfiguration entre deux annonces de la Passion et Saint Jean parle de la croix comme du moment de la Gloire.

            Les événements qui suivent n’auront plus le même sens pour eux. Ils oscilleront entre l’enthousiasme et la peur, entre la confiance et le doute.

            N’est-ce pas notre expérience quotidienne de croyant ? Nous aussi, nous avons été emmenés à l’écart aujourd’hui comme nous le sommes à chaque Eucharistie.

            Nous avons écouté la Parole de Dieu, nous avons été initiés au mystère de Dieu. Nous faisons partie de ceux qui connaissent « le secret de Dieu » et pourtant chaque jour nous doutons, nous nous décourageons.

            Nous ne trouvons pas en Dieu la réponse tant souhaitée à ce que nous voudrions dans l’immédiat. Mais notre histoire avec Dieu se vit dans la durée, et surtout jour après jour.          Oui, Dieu est pour nous ! Et rien ni personne ne pourra briser cette relation au plus intime de notre être.

            Ce temps de carême est un temps privilégié qu’il nous est donné de vivre. C’est un temps où nous sommes invités à retourner au plus intime de nous-mêmes. Á convertir notre  regard et notre écoute.

            Qui suis-je réellement ? Qu’est-ce qui m’habite ? Quelle est ma relation avec celles et ceux qui sont à mes côtés, celles et ceux que je connais, mais aussi celles et ceux que je ne connais pas ?

            Le carême, c’est le temps que chacun de nous prend pour se dire : ne dois-je pas mourir à quelque chose pour vivre une vie nouvelle ? Par quoi, par qui, vais-je me laisser transfigurer ?

            Nous savons que si nous nous laissons envelopper et habiter par la propre lumière du Christ, nous devenons peu à peu porteurs de sa lumière et rayonnement de sa clarté.

            Et nous vivrons dans l’amour de nos frères et sœurs, en rayonnant la vie la joie, la paix.

            « Tant que vous avez la lumière, croyez à la lumière et vous deviendrez des fils de la lumière » Jn 12, 36.  « Vous brillerez comme des foyers de lumière. » Ph. 2,15.

            Que l’Eucharistie de ce dimanche ravive en nous la lumière qui nous donne de marcher à la suite de Jésus, avec Pierre, Jacques et Jean et de tous nos frères et sœurs croyants sur les chemins de notre vie de tous les jours.

P. Philippe Muller

Premier dimanche de Carême - 21 février 2021

Voici revenus le temps du carême et le dimanche de la tentation au désert. Impossible de faire plus bref que Saint Marc dans l’Évangile de ce jour pour nous parler de Jésus au désert.

             Il situe cet épisode entre son baptême et l’arrestation de Jean-Baptiste. Il note la présence de l’Esprit, des bêtes sauvages et des anges.

            Le récit de Marc n’est pas un reportage sur ce qui s’est passé. Ce n’est pas un journaliste qui parle, mais un témoin pour une communauté naissante.

            Les quarante jours rappellent les quarante années au désert du peuple de l’Alliance, formé par Dieu à la fidélité.

            Le désert : lieu éprouvant par la solitude et l’inconfort, un lieu de vérité où, nous ne pouvons pas tricher, un lieu béni où Dieu se donne à rencontrer.

            Jésus est  poussé, « chassé », « jeté » au désert par l’Esprit Saint, qui n’est pas ici la brise légère qui apaise, mais le vent qui souffle en tornade et bouscule.

            Jésus revit personnellement les étapes spirituelles qui furent celles du peuple de Dieu : après son baptême qui rappelle le passage miraculeux de la Mer Rouge, le voici mis à l’épreuve comme jadis Israël le fut au désert du Sinaï

            Le désert est dans le langage biblique le lieu du combat spirituel. Saint Marc ne nous donne aucun détail sur les différentes formes de l’affrontement de Jésus avec le Malin. Il s’agit d’une épreuve à laquelle Jésus se soumet.          

            La scène du désert illustre la victoire sur la tentation : Jésus sera donc le Messie « selon le cœur de Dieu ». Il est prêt désormais à porter au monde l’Évangile de Dieu, à formuler le « message de bonheur » (Évangile) certes paradoxal, mais qui fera les saints et les Apôtres de l’Église.

            Notre séjour au désert, pendant ce carême est aussi pour nous une épreuve qualifiante. L’esprit Saint a besoin de nous secouer, de nous aiguillonner, de nous pousser, de nous propulser comme un turbo.

            L’Esprit Saint souffle en tempête pour nous réveiller de notre sommeil, nous arracher au confortable fauteuil de nos habitudes. Dans quel esprit abordons-nous ce carême ?       

            Chacune, chacun de nous, chaque chrétien, certains jours, connaît la tentation. Nous sommes invités à choisir Dieu plutôt que l’offre du Tentateur, du Diviseur (diable).

            Le carême suggère de mettre au propre nos relations avec Dieu, relations salies par l’idée qu’il ne voudrait pas notre bien. Pour laver cette idée, l’Église fait lire les paroles de Dieu à Noé : « J’établis mon alliance avec vous. »

            Que nous soyons prisonniers d’un mauvais penchant, écrasés par un lourd souci, embarqués dans une impasse … Dieu prend parti pour nous, de façon irrévocable.

            La preuve c’est que le Christ tient à nous si fort qu’il meurt pour nous. Le carême permet aussi de mettre au propre aussi nos relations avec la terre. Le Pape François donne au plaidoyer des mouvements écologiques, une base divine

            Quand Dieu parle à Noé, il élargit son alliance à tout le créé. « J’établis mon alliance avec tous les êtres vivants : les oiseaux, le bétail, toutes les bêtes… » Sept jours encore – le temps pour Dieu de recréer la face de la terre – et la colombe rapportera le rameau d’olivier, la paix restaurée.

            Car pour toujours, Dieu avait déposé son arc dans le ciel, un arc de paix et non de guerre. Il sera placé au firmament comme un signe lumineux de l’Alliance.

            Un signe qui invite à « faire mémoire ». Saint Marc exprime la relation juste avec tous les vivants en écrivant que Jésus « vit parmi tous les bêtes sauvages ».

            L’alliance nouvelle et éternelle dont l’Eucharistie fait mémoire dépasse non seulement le champ des chrétiens (puisqu’elle embrasse la multitude) mais dépasse même le champ des humains.

            Alors que les contrats humains – y compris le mariage- sont basés sur la réciprocité, il faut admirer Dieu qui s’engage envers l’humanité sans demander à l’humanité de s’engager envers lui.

           

Saint Jean écrit : « Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est lui qui nous a aimés » (1 Jn.4,10), même quand nous sommes pécheurs. (RM. 5,8). Comment ne pas admirer Dieu ?

            Dieu est pour nous, écrit saint Paul (Rm. 8, 31). C’est-à-dire qu’il ne veut que notre bien. Or toutes nos tentations cherchent à nous faire croire le contraire.

            Á la  suite de Jésus, nous avons à nous laisser modeler par l’Esprit qui vient nous dire qui nous sommes, ce que nous sommes invités à devenir.

            Lorsque Dieu me dit « Tu seras heureux si tu penses d’abord aux autres », je suis tenté de répondre « tu te trompes, je suis plus heureux si je vis en fonction de moi ».

            Lorsque Dieu me dit : « Tu es esclave de tout ce que tu gardes pour toi : tu seras heureux si tu partages », je suis tenté de répondre : « tu me mens, mon bonheur c’est d’avoir tout pour moi ».

            Jésus dit « convertissez-vous et croyez à l’Évangile » parce que la conversion consiste à croire que Dieu ne ment pas, qu’il est l’Allié : c’est cela l’Évangile, la Bonne Nouvelle.

            Les mariés sont engagés dans une alliance. Une de leurs tentations est de n’être pas pauvre de cœur devant son conjoint … de ne pas lui avouer ses limites … de n’être pas patient ni miséricordieux quand le conjoint a déçu …

           

            Le carême les invite à croire que l’amour dans la vérité, sans mensonge, est le meilleur guide.

            Le règne de Dieu fait irruption quand Jésus, un homme vivant dans les mêmes conditions que nous, harcelé par Satan comme nous – a été fidèle à l’alliance.

            Comme lui acceptons d’aller au désert pour écouter Dieu et non le Tentateur. Faisons désert pour apprendre à faire silence, à être silence, à écouter le silence. Le silence nous installe en Dieu.

            Faites donc fleurir cette fleur qui vient d’ailleurs et s’appelle : silence ! Heureux le croyant qui consent à ce que Dieu se révèle autant par son silence que par sa Parole.  

            Même si, avec réalisme, la vie de Dieu ne régit pas vraiment notre vie et que notre conversion est modeste, nous pourrons constater que nous aurons dit à Dieu des petits oui.

 

            Nous aurons dit ce oui essentiel : Oui, c’est toi, Jésus, tu as marqué notre humanité par ta fidélité à l’Alliance. C’est toi qui nous conduis vers Pâques.

P. Philippe Muller

Mercredi des cendres - 17 février 2021

Voici donc le début du Carême. Quarante jours, c’est-à-dire six semaines de six jours – le dimanche ne compte pas : on ne jeûne pas le jour de la résurrection ! – plus les quatre jours du mercredi des Cendres au samedi : le compte est bon.

            Quarante jours, c’est la grande quarantaine des chrétiens. Une mise en quarantaine, c’est une mise à l’écart. Mais à l’écart de quoi ? Et pour quoi ?

            Pour revenir à l’essentiel. Pour mettre à l’écart ce qui est secondaire, accessoire, encombrant. Pour nous attacher à ce qui est le cœur de notre foi et de notre vie : Jésus Christ.

            Garder les yeux sur lui, le suivre et l’imiter est exigeant. Cela demande de choisir entre la vie d’amour que propose le Christ et nos petits égoïsmes.

           

            Nous avons la même règle de vie que Dieu, la loi d’amour. Dieu a l’initiative de nous donner cette loi. Et parce que nous avons vite fait de l’oublier, il a l’initiative pour nous la rappeler. Pour notre bien, pour que nous parvenions à Pâques.

            C’est cela qui fait plaisir à Dieu. Rien ne fait autant plaisir à un père que le retour de l’enfant sur le bon chemin.

            En mille occasions, l’humanité constate ses fragilités. A-t-elle élaboré les techniques les plus sophistiquées, qu’un microscopique virus interrompt toute activité sur la planète.

            Veut-elle être intelligente, elle persiste à faire des  actes dont elle sait qu’ils génèrent tristesse ou violence … et qu’elle

aura à le regretter.

            Vraiment l’humanité est poussière. De plus, le feu d’amour qui fait la beauté de nos âmes, de nos vies, nous le laissons s’éteindre. Le cœur brûlant de piété filiale et d’attention fraternelle devient tiède, indifférent.

            Dans le cœur qui obéit à tout ce qui nous séduit, le feu baisse, et quand le feu est éteint, il ne reste que des cendres. Si notre cœur est sans amour, il ne vaut pas mieux que des cendres.

            « La gloire de Dieu, c’est que l’homme soit vivant » a écrit saint Irénée. C’est pourquoi notre Dieu, créateur de la vie, prie l’homme de retrouver la vie, de redevenir fervent, brûlant. Il nous presse : «  changez votre cœur, revenez à moi, vivez selon mon alliance ».

            L’Église faite de pécheurs ne fait pas la leçon ; elle relaie la prière de Dieu : «  Nous sommes les ambassadeurs de Dieu : laissez-vous réconcilier avec Dieu ». Comme si elle disait : « consentez à ce qu’un amour inimaginable vous soit offert ».

            « M’aimes-tu ? », telle est la question fondamentale. Il n’est pas facile d’y répondre parce que l’amour De Dieu peut être pollué par notre orgueil.

            Aussi, Jésus qui avait dit : « que votre lumière brille devant les hommes », doit préciser : « évitez de vous faire remarquer des hommes ». Comprenons que ce qui est mauvais, ce n’est pas d’être vu, mais d’agir pour être vu et pour que les gens aient une bonne opinion de soi.

            L’essentiel, pour Jésus, c’est ce qui se passe au cœur de l’être humain, dans le secret de la conscience. C’est pourquoi il dit : « ne vous faites pas remarquer… ne vous donnez pas en spectacle. »

            Pour lui, ce n’est pas la pratique extérieure  qui compte, c’est ce qui se joue au plus intime de nous-mêmes.

            Le Carême est un temps de renouveau spirituel.

           

            C’est un engagement plus profond, un temps de méditation et de conversion du cœur, un temps d’écoute de la Parole de Dieu.

            Prier, c’est faire un brin de conversation avec Dieu, parler au Christ pour lui confier notre vie, la vie de ceux qui vous sont chers, la vie du monde.

            Parler à Dieu pour le remercier, le supplier, lui demander pardon. Concrètement, pendant ce Carême, prenons au sérieux les rendez-vous de prière, qu’ils soient personnels ou communautaires.

            Jeûner a pour but de donner soif et faim de Dieu et de sa Parole. Jeûner en carême n’est pas seulement un geste de pénitence, c’est aussi un geste de solidarité avec les plus pauvres et une invitation au partage et à l’aumône.

            « L’Esprit Saint vous rendra libres », dit Jésus dans l’Évangile selon saint Jean. Si le but de la Bonne Nouvelle est de nous libérer, le Carême en est un lieu privilégié « pour attendre la fête de Pâques avec la joie du désir inspiré par l’Esprit de Dieu » selon l’expression de Saint Benoît.            

            Qui aurait parié que, du rocher, Dieu ferait jaillir de l’eau ? Qui pourrait parier, que de nos cendres, Dieu ferait jaillir le feu de Pâques.

            Le don de Dieu dépasse tout ! Puissions-nous vivre le carême aussi comme un don de Dieu !

Père Philippe Muller

Présentation de Jésus au temple - 2 février 2021

Soyons dans la joie et la lumière puisqu’il nous est donné, de célébrer cette très belle fête de la Présentation de Jésus au Temple. Il y est présenté, offert, consacré, dans son humanité, à son Père. Dans la tradition byzantine, cette fête s’appelle « La divine rencontre ».

            Trente-trois jours sont accomplis depuis la circoncision, depuis qu’il porte le nom donné par l’ange. Et Marie, Joseph et l’enfant Jésus sont en marche vers le Temple de Jérusalem, guidés par la Loi.

            Au même instant, dans les ruelles de Jérusalem, le vieillard Siméon s’avance aussi vers le Temple, guidé par l’Esprit. Porteur des espérances de l’Ancienne Alliance, il marche vers Celui qui scellera l’Alliance Nouvelle entre Dieu et l’humanité. Mais il ne le sait pas encore.

Présentation_de_Jésus_au_ Temple
Présentation de Jésus au Temple

Soyons dans la joie et la lumière puisqu’il nous est donné, de célébrer cette très belle fête de la Présentation de Jésus au Temple. Il y est présenté, offert, consacré, dans son humanité, à son Père. Dans la tradition byzantine, cette fête s’appelle « La divine rencontre ».

            Trente-trois jours sont accomplis depuis la circoncision, depuis qu’il porte le nom donné par l’ange. Et Marie, Joseph et l’enfant Jésus sont en marche vers le Temple de Jérusalem, guidés par la Loi.

            Au même instant, dans les ruelles de Jérusalem, le vieillard Siméon s’avance aussi vers le Temple, guidé par l’Esprit. Porteur des espérances de l’Ancienne Alliance, il marche vers Celui qui scellera l’Alliance Nouvelle entre Dieu et l’humanité. Mais il ne le sait pas encore.

            Vous voilà tous, marchant, cheminant vers le Temple de Dieu pour une rencontre dont nul ne connaît encore la teneur. Syméon entrevoit la réalisation de la Promesse, mais il ignore encore qu’il en sera le prophète. Qu’importe. Il ne le sait pas mais déjà il accepte. L’Esprit qui l’habite parlera par sa bouche. Il sera disponible, ouvert, libre.

              Savons-nous vers qui nous marchons quand l’Esprit nous guide ? Savons-nous quand nous nous avançons sur le chemin de la Vie, quelles rencontres nous attendent ?

            Sommes-nous prêts, attentifs ouverts, disponibles et libres ? Acceptons-nous d’être parfois la Parole par qui Dieu se fait signe pour nos frères ?

            Toi, Marie, tu vas vers ta seconde Annonciation.

            Cette fois, Joseph t’accompagne. Il partage avec toi cet instant d’éternité. Marie, l’ange du Seigneur t’a révélé la naissance de ton Fils, le Sauveur d’Israël. Il t’a annoncé la Vie. Le vieillard Syméon t’annonce la mort et le glaive qui percera ton cœur. Mort et vie sont intimement liées.

            Il t’annonce aussi la chute de beaucoup en Israël. Il t’annonce notre monde avec sa cohorte de mensonges et de fausses vérités. Comme si Dieu n’avait pas osé le faire lui-même, comme s’il avait délégué pour cela l’homme de l’ancien monde …

            Désormais, Marie, tu ne vivras plus que dans le don total. Le fils qui t’a été donné t’est déjà repris, quarante jours après que tu lui as donné le jour.

            Quarante jours de joie, de bonheur, de tendresse d’une maternité nouvelle. Quarante jours qui éclaireront ta vie et dont tu aimeras garder le souvenir comme celui d’une illumination qui enchante encore la nuit quand les feux se sont éteints.

            Rien désormais ne sera plus comme avant, de cet avant si court qui a transformé ta vie, toi la petite fille de Nazareth promise au charpentier. Tu es déjà Marie au pied du Golotha.

            Parce qu’essentiellement dans cet événement, c’est toi, Marie, qui « remet », qui « offre » ton enfant. Il ne t’appartient plus. Tu le consacres, tu le donnes au Père dont tu as reçu le Fils bien-aimé.

            Or l’étonnant est, que c’est un vieillard, Syméon qui le reçoit dans ses bras. Voilà le moment unique où il nous est proposé à nous de l’accueillir dans notre cœur

            C’est le moment où la promesse fidèle de notre Dieu, rencontre une attente, celle de Syméon et la nôtre. C’est la rencontre de la promesse et de son accomplissement, la rencontre de Jésus qui est offert par sa mère et du cœur qui a su l’attendre. Cet enfant est la Lumière venue éclairer tout homme. Voilà notre foi ! Baptisés, consacrés, nous avons mission de rayonner cette lumière, d’irradier le Christ.

            Nous avons commencé cette Eucharistie, en tenant en main le cierge allumé qui rappelle notre baptême. En effet, le sacrement du baptême fait descendre dans les profondeurs de notre cœur la lumière du Christ. Ce jour-là, le Christ-Lumière est venu habiter en nous. Il éclaire nos vies, nos choix, nos décisions. Il nous montre la route.

            Comme le dit la Lettre aux Hébreux, il veut nous « rendre libres », c’est-à-dire nous détourner des ténèbres de l’idolâtrie de l’argent, de l’exclusion, de la violence, de l’égoïsme. Baptisés, nous sommes invités à tracer un chemin de lumière dans notre monde.

            Pas étonnant qu’en ce jour où Marie nous fait le don de son Fils, Le Pape Jean-Paul II ait désiré faire de ce jour une Journée de la Vie consacrée. En ce jour, comment ne pas prier pour tous les religieux, religieuses, vierges et laïcs consacrés, appelés parmi les baptisés : votre présence est majeure.

            Par votre consécration, vous portez le baptême chrétien à son incandescence. Nous ne comprenons rien à votre vocation si nous ne repartons pas de l’appel du Christ-Lumière dans votre vie.

            Quelle est, en effet, votre joie, à vous, consacrés ? Sinon l’attente, la rencontre du Christ Jésus, comme Syméon et Anne. Votre vie ? Un coup de cœur pour le Christ ! Vous êtes habités par la joie d’avoir accueilli le Christ lumière et de vous donner à lui.

           

            Au cœur de ce monde, vous avez choisi d’irradier le Christ, en vivant les vœux évangéliques de chasteté, pauvreté, obéissance.

            Vous avez choisi de donner votre vie, votre cœur. Vous avez choisi de partager vos biens et votre temps. Vous avez choisi de ne pas décider de votre vie, mais de vous en remettre à d’autres.

            Le secret de votre vie consacrée est là : la lumière du Christ vous attire, vous brûle vous saisit. Grâce à vous, nous pouvons avancer avec plus d’ardeur sur le chemin de la vraie Lumière, le chemin de la sainteté.

            Parmi vous, certains certaines, vivent en communautés : des communautés fragiles, parfois. Sans doute mesurez-vous la petitesse de vos moyens. Mais de qui parle-t-on dans l’Évangile ?

            De gens aux moyens puissants ? Non, mais d’Anne et Syméon, deux personnes âgées, de Marie et de Joseph, rayonnants de foi. La Lumière du Christ vient à nous, grâce aux pauvres qui ont l’audace de lui faire confiance. 

            Soyons tout simples, les mains ouvertes, tendues vers lui et tout à l’heure, quand nous recevrons réellement le Corps du Seigneur, ce sera en réalité bien plus bouleversant que pour Syméon.

            La lumière du Christ est inépuisable. Alors, devenons de plus en plus des enfants de lumière. Et, à sa lumière, un jour, nous verrons LA Lumière !

P. Philippe Muller

Dimanche 17 janvier

L’Évangile de ce dimanche a la saveur d’un reportage. Faits et paroles sont décrits sur le vif avec la précision qu’imposent des événements décisifs dans la vie de quelqu’un.

         Nous nous souvenons exactement de ce qui a bouleversé notre existence et changé notre vie.

         C’était la première fois. La première rencontre entre Jésus et les Apôtres. Le premier regard.

         Il y avait là André et l’autre disciple. Nous ne savons pas son nom, mais c’est sans doute  lui qui  raconte cet épisode, « le disciple que Jésus aimait ».   

         Les Apôtres ont trouvé le Messie et rien n’est plus comme avant. Nous comprenons qu’ils aient gardé « incrustés » dans la mémoire de leur cœur, les premiers moments de leur rencontre avec Lui.

         Et ce qui commence ce jour-là à quatre heures du soir, c’est aussi ce qui se continue ce matin, ici, avec vous-mêmes, avec moi, avec chacune, chacun de celles et ceux qui sont croyants.

         Car la foi chrétienne, c’est une amitié, une rencontre de celles qui durent toute une vie. Pour Jean et André, c’est Jean-Baptiste qui a tout déclenché en s’effaçant devant le Divin Passant, l’Agneau de Dieu.

         Encore fallait-il accepter de courir tous les risques pour suivre cet étrange voyageur. Son regard les a séduits. Il les a invités à le fréquenter.

         Rester avec lui, demeurer près de Lui, telle fut leur pauvre réponse.

         Et nous, que cherchons nous ? Que cherchent tous ces regards que nous croisons au gré de nos rencontres ? Que se cache-t-il derrière ces visages ?

         Quels espoirs, quels soucis, quelles détresses, quels drames intérieurs, quelles attentes, quelles espérances ? Et nous, qu’est-ce qui nous fait marcher ou courir ?

         Chacun passe avec son secret, son histoire singulière … Qu’attendons-nous au plus intime de notre cœur ? Que se cache-t-il derrière nos propres regards, à nous ici rassemblés ?

 

« Que cherchez-vous ? »

         Avant même de nous enseigner, le Seigneur choisit de nous interroger. À chacun de nous, il adresse cette question : « Que cherches-tu ? Le sais-tu ? »

         Ne sommes-nous pas, nous aussi, pareils aux disciples d’hier, en recherche d’une vraie demeure ?

         Quoi que nous puissions chercher et attendre – ne l’oublions jamais ! – nous sommes des hommes et des femmes cherchés et attendus par Dieu ! Dieu est passionné  de chacune, chacun de nous.

 

« Maître, où demeures-tu ? Venez et vous verrez ! » 

         Jésus sait bien ce qu’il y a en chacun de nous. Il connaît bien la vérité de notre foi, la qualité de  notre espérance, la force de notre amour exprimés dans nos actes et gestes quotidiens.

 

« Demeurons avec Jésus ! » Choisissons de venir  vers Lui, de revenir, de le suivre, de le regarder accueillir, agir, réagir.

 

« Demeurons avec Jésus ! » Engageons-nous à chercher à résoudre les problèmes des hommes de notre temps : à soulager leurs souffrances, à tenter de relever avec d’autres, les défis d’aujourd’hui.

 

« Demeurons avec Jésus ! » Discernons dans l’amour qui bat dans son  cœur, l’amour-même que nous cherchons et que cherchent nos contemporains.

 

« Demeurons avec Jésus ! » Découvrons dans ses larmes, l’expression de sa compassion à l’égard des souffrants, des endeuillés, des pauvres, des exclus.

 

« Demeurons avec Jésus ! » Mettons-nous en route, jour après jour, à ses côtés, pour aller à la rencontre des autres et les servir.

         N’hésitons pas à amener celles et ceux qui sont en recherche de l’essentiel, jusqu’à Jésus. Mais sans jamais forcer la main !

        

         Car le Dieu que nous révèle Jésus, jamais ne s’impose. Il nous propose, simplement, sans jamais se lasser, son amour.

         Proposons donc aux hommes et aux femmes de ce temps de s’approcher de Jésus, sans peur. Encourageons-les à entrer dans sa maison.

         Donnons-leur le goût de parler avec Lui, face à face, cœur à cœur, comme nous aimons nous entretenir avec un ami.

         Comment honnêtement, pourrions-nous garder pareille découverte, semblable Bonne Nouvelle ?

         Continuons à rencontrer Jésus là où des personnes vivent, aiment, souffrent et espèrent.

         N’oublions jamais l’invitation douce de Jésus : « Venez et vous verrez ».

         Si nous désirons, nous aussi, être disciples du Christ, nous avons à adopter la même attitude : prendre le temps d’être avec le Seigneur pour voir où il demeure.

         Sans ce temps passé avec le Christ, aucun dynamisme missionnaire, aucune annonce de la Bonne Nouvelle ne sera jamais possible.

         Vous avez entendu tout à l’heure l’histoire de Samuel et du vieux prêtre Éli. Quand Éli finit par comprendre que Dieu appelle l’enfant, que lui dit-il ?

         Il dit « Écoute ! » Écoute ce qu’il te dira dans ton cœur. Là est le chemin.

         Il est valable pour chacune, chacun. Écoute cette parole intérieure qui t’habite depuis si longtemps et que tu n’as pas encore laissé venir jusqu’à toi. Fais silence.

         Tu ouvres souvent l’Évangile comme un coffre de richesses. Tu y cherche des phrases d’or. Mais lui, le Christ ?

Il est vivant ! Il attend ton pas pour se retourner et te dire : « Que veux-tu ? »

 

         À cela, il n’y a qu’une réponse, celle qui change ta vie si elle jaillit de ton cœur : « Ce que je veux, c’est Toi ! »

P. Philippe Muller 

Baptême du Seigneur - Dimanche 10 janvier 2021

Nous célébrons ce matin la fête du baptême du Christ. Curieusement l’Évangile de Marc ne parle pas de l’enfance de Jésus. Tout commence avec son baptême.

Jusque-là, Jésus a vécu comme n’importe quel autre enfant avec ses parents Marie et Joseph.

La célébration du baptême de Jésus nous aide à comprendre qui il est. Cette question est présente dans tout l’Évangile de Marc : nous faire découvrir peu à peu le mystère de Dieu qui se révèle en son Fils Jésus, vrai homme et vrai Dieu.

Pourquoi donc Jésus demande-t-il à recevoir le baptême de Jean, alors que ce dernier se déclare indigne de « défaire la courroie de ses sandales » ? En effet, ce baptême était un rite de purification destiné à préparer les cœurs à la venue du Messie.

Le Fils de Dieu n’a pas de péchés à se faire pardonner, il n’a pas à se convertir à Dieu. Qu’est-ce qui pousse Jésus à se faire baptiser par Jean ?

La fin de la séquence donnera la réponse : c’est pour être présenté à son peuple et investi par l’Esprit Saint jusque dans la profondeur de son humanité, que Jésus s’avance vers le Jourdain.

Le ciel se déchire et le cri poussé par les prophètes, répété depuis des siècles, se fait entendre : « Ah ! Si tu déchirais les cieux ! » Si Dieu nous revenait, s’il nous parlait, si nous pouvions revivre en sa présence ! Viendra-t-il le temps où le désert refleurira ?

Le ciel s’est déchiré pour un homme que Dieu a envoyé, qui ne retournera pas vers le ciel sans avoir fécondé la terre et désaltéré les pauvres.

L’Esprit descend sur lui, cet Esprit qui planait déjà sur les eaux de la Genèse.

Et le Jourdain, – qui évoque la mort qu’on dit surgir des portes des enfers pour s’en aller se perdre en cette mer qui est morte, – redevient source vive et fontaine de création nouvelle.

Comme la colombe de paix au matin du Déluge, portant un rameau d’olivier, l’Esprit de Dieu révèle à la terre la présence parmi les hommes du Prince de la Paix.

« C’est toi mon Fils, mon bien-aimé ! » La voix du Père que nul n’avait encore jamais entendue vient de retentir. Dieu se lie avec cet homme-là.

Le mystère de Jésus est là dans la lumière qui vient de l’éternité des Cieux. Le mystère de Jésus resplendit en cet amour du Père pour lui.

 Et Dieu parle à Jésus comme Abraham, prenant en main son bien-aimé Isaac, le fils unique :

« Tu es mon bien-aimé et je te conduirai à ma montagne pour te prendre avec moi quand ils te livreront à la croix de la mort et que le sang et l’eau s’écouleront de ton côté ouvert ! En toi seront bénies toutes les races de la terre, car mon amour en toi saura transfigurer la mort en une Alliance éternelle. »

Dieu parle à son Fils, et déjà, nous regardons du côté de sa Pâque.

Dans le baptême de Jésus, tout l’Évangile est condensé, et déjà, la partie est gagnée. Rappelons-nous ce que nous disait l’Apôtre Saint Jean :

« Celui qui croit que Jésus est le Christ, celui-là est vraiment né de Dieu… Tout être qui est né de Dieu, est vainqueur de ce monde ! »

 

Le baptême de Jésus indique simplement l’itinéraire qui est le nôtre. Jésus se reçoit Fils dans l’amour et, dans l’amour, il offre tout ce qu’il est au Père. Et cet amour nous est révélé pour que nous y entrions.

Lorsque nous sommes baptisés, Dieu nous dit : « Toi, tu es mon enfant bien-aimé. » Nous sommes les élus de ce Père très aimant. Il nous dit sa confiance et il nous confie la même mission.

Lorsque nous sommes baptisés, nous sommes « plongés », c’est ce que signifie le mot de baptême, même s’il n’y a que quelques gouttes d’eau qui sont versées sur notre front.

L’eau signifie le passage par la mort, nous pouvons y être englouti et nous y noyer. Mais l’eau est aussi le signe de la naissance : sortir de l’eau comme nous sortons du ventre de notre mère !

Nous sommes aussi baptisés dans l’Esprit Saint : nous sommes habités par l’Esprit de Dieu, nous recevons la force de la vie dans le Christ pour nous battre avec lui contre toutes les formes de mort : la haine, l’injustice, l’enfermement sur soi.

Notre baptême est une nouvelle naissance. Qu’avons-nous fait de notre baptême ? Ou plutôt, qu’en faisons-nous ? Car nous disons souvent : « j’ai été baptisé ».

Ce qui n’est pas faux. Mais il vaut mieux dire : « Je suis baptisé » Et cela change beaucoup de choses.

« Je suis un baptisé » : c’est-à-dire je ne suis pas un saint, un héros, mais j’ai été bouleversé par l’appel de Dieu :        Tu es mon enfant bien-aimé, je compte sur toi », et cela change ma vie.

Á nous de vivre en disciples de Jésus, en donnant du temps pour la prière, en le suivant dans sa vie donnée par amour pour tous les hommes.

En travaillant jour après jour, pour faire grandir l’amitié, la solidarité, la justice et la paix.

Avec le Christ, notre force, nous pouvons mettre de la tendresse, là où s’installait l’indifférence.

De la confiance là où résidait le mépris.

Du pardon pour essayer de relever l’autre, là où nous baissions les bras.

Une parole pour encourager, là où ne régnaient que les mots pour tuer.

Le Christ est avec nous pour nous aider à vivre ce que nous avons à vivre.

Si Jésus s’est plongé dans l’eau boueuse et limoneuse du Jourdain, c’est pour nous en sortir. Dieu nous rejoint jusqu’au cœur de la plus grande désolation, pour nous aider.

Vous vous souvenez du psaume qui a été chanté il y a un instant : « Voici le Dieu qui me sauve ». Et encore : «  J’ai confiance, je n’ai plus de crainte, Jubilez, criez de joie, habitants de Sion ! »

 

Oui, nous pouvons jubiler, parce que nous savons combien Dieu nous aime.  Il fait bon s’asseoir au bord du Jourdain, écouter avec le cœur, regarder avec la foi, et surtout rendre grâce pour tant de merveilles.

P. Philippe Muller

Epiphanie du Seigneur - Dimanche 3 janvier 2021

« Debout, Jérusalem ! Resplendis ; elle est venue ta lumière, et la gloire du Seigneur est venue sur toi ! »

 

            Aujourd’hui s’accomplit l’oracle du prophète Isaïe. Aujourd’hui la lumière est venue sur Jérusalem et par Jérusalem, sur le monde.

            La gloire du Seigneur s’est levée. L’Étoile la désigne à des Mages, venus d’Orient : un enfant sur les genoux de Marie, sa mère. Les nations marchent vers sa lumière.

            Ces mages, venus d’Orient, nous les appelons souvent les « rois-mages ». Peu importe, à travers eux, ce sont toutes les nations qui se lèvent et se mettent en chemin à la rencontre du Seigneur, attirées par sa lumière.

 

            Et les Mages apportent, comme l’oracle l’annonçait, de l’or, de l’encens et même de la myrrhe. Ce qui importe à l’Évangéliste Matthieu, c’est de nous montrer combien la Parole se réalise, combien Dieu tient ses promesses.

            Alors, tous proclament les louanges du Seigneur. Bien sûr, nous pouvons nous demander si l’oracle d’Isaïe s’accomplit vraiment aujourd’hui, alors que nous avons souvent l’impression que notre monde gît dans les ténèbres ?

            Debout Jérusalem, resplendis ! Comme nous voudrions que ce rêve devienne réalité !

            Certes, la ville de Jérusalem est aujourd’hui riche et lumineuse, elle ne cesse de s’étendre, elle attire des foules de pèlerins venant du monde entier.

            Mais elle est aussi le point de multiples tensions et conflits qui marquent notre époque.

            En ce temps-là, après les bergers, des mages sont venus d’Orient, c’est-à-dire de l’Arabie ou de l’Inde.  Peu importe, ce sont les plus pauvres des juifs et les plus riches des païens.

            Comme cela, chacune, chacun de nous comprend qu’il a sa place auprès de l’Enfant-Dieu. Que personne ne vient de trop loin. Que personne n’arrive trop tard.

            Et pourquoi pas, celles et ceux qui se dévouent depuis le début de la crise sanitaire : Médecins, infirmières, personnel soignant du SAMU, des centres de réanimations.

            Et aussi tous les bénévoles des restos du cœur, du Secours Catholique ou populaire, des centres d’accueil et d’hébergement. Il y a tant de générosité !

            Sans oublier, aussi les forces de l’ordre engagées dans le plan « Vigie Pirate » depuis quelques années pour assurer notre sécurité… Et tant d’autres…

            Oui, il y a du monde près du seul Dieu que nous aimons. Il est le très Haut parce que le Tout Petit. Le Très Grand parce que le Serviteur. Le Très Fort parce que le Tout Fragile.

 

            Nous aussi, nous avons suivi l’Étoile, celle qui conduit à la crèche près de Celui qui nous apprend à servir Dieu en servant l’homme.

            Et nous sommes venus avec toutes les victimes de la crise économique, du chômage, de la misère, les victimes des catastrophes naturelles de plus en plus nombreuses …

            Il semble bien que l’obscurité recouvre la terre. Et le Seigneur nous dit : Debout ! Lève les yeux, lève la tête. Regarde ! La Gloire  du Seigneur est venue sur toi, aussi !

            Il nous faut changer de regard pour voir ce que le Seigneur nous invite à voir. Il nous faut regarder avec les yeux de la foi.

            Sachons voir les gestes de paix, les gestes de solidarité, les gestes de fraternité, autour de nous, sachons voir et même susciter des chemins de réconciliation.

            Sachons reconnaître la lumière de Dieu qui se lève et notre cœur se dilatera, il frémira, comme disait Isaïe.

            Cette lumière, l’Étoile qui s’allume dans les yeux, dans le cœur de tout être qui découvre qu’il est aimé de son Dieu et de ses frères, pour de vrai, pour de bon, sans condition, pour ce qu’il est, malgré toutes ses lacunes et toutes ses misères.

Cette Étoile, Jésus a passé sa vie à l’allumer et à la rallumer. Le prophète Isaïe avait prédit dans l’un des chants du Serviteur qu’il « n’éteindrait pas la mèche qui fume encore. »

Jésus a allumé des étoiles, tout simplement avec des paroles, des mots, des gestes qui vont au cœur, qui ouvrent sur l’infini.

Toute sa vie, comme sa mort et sa résurrection, est une longue déclaration d’amour, de l’amour infini de Dieu pour chaque homme. Jamais Dieu n’avait parlé aussi proche, d’une manière aussi personnelle, avec autant d’insistance.

Alors, au début de cette année, je vous souhaite l’Étoile qui vient de la tendresse donnée et reçue : elle fait reculer les frontières de toutes les nuits.

Je vous souhaite l’Étoile qui vient de la présence de l’Enfant de la crèche, le Messie, le Christ. Si vous avancez avec lui, recevant son Pain et sa Parole, quelle nuit pourrait s’emparer de vous ?

Je vous souhaite l’Étoile qui vient de la joie lorsque le partage est accompli. Si des frères et sœurs sont relevés dans leur humanité, la nuit perd son pouvoir sur la terre !

Je vous souhaite l’Étoile qui vient du dialogue renoué  car lorsque ceux qui ne s’entendent pas se parlent, le jour commence à danser sur la nuit !

Pour trouver Dieu, l’Étoile nous conduira toujours dans les lieux à l’écart et dans les endroits de détresse, pour nous y faire contempler l’admirable présence de Dieu.

C’est dans les lieux de froid et de faim, dans les lieux dé- pouillés, qu’il se tient, lui, l’Enfant-Dieu, pour servir en abondance tous ceux qui tendent la main afin de recevoir leur part de dignité, de tendresse et d’avenir !

Il vous revient, à vous, de faire lever l’Étoile sur la terre. Si vous ne brillez pas, si vous n’éclairez pas, si vous ne faites pas reculer la nuit, à quoi, dites-moi, à quoi donc servez-vous ?

C’est à vous d’accrocher l’Étoile de Noël dans la nuit des hommes. Pour éclairer, pour briller, pour illuminer, il vous suffit de le regarder, lui, l’Enfant-Dieu, et de l’écouter.

Celui-là seul qui se met en route avec l’Évangile, découvre l’Étoile. Celui-là seul qui est prêt à tout donner, voit l’Étoile.

Elle chante que le bonheur devient possible si nous l’in- ventons ensemble et avec Dieu. Elle chante la joie de Dieu qui reste avec nous, les hommes.

Puisse l’Étoile nous conduire à cette rencontre. Nous donner de devenir, à notre tour, des « épiphanies » de l’Amour, tout au long de cette année 2021.

P. Philippe Muller