« La paix soit avec vous ! »
Le christ est ressuscité ! Alléluia !

 

D’un Sermon de Saint François de Sales. 12 Avril 1594. Œuvres VII, 167

 

La joie fut sans doute bien grande en l’arche de Noé, quand la colombe, peu auparavant sortie comme pour épier l’état auquel était le monde, revint enfin portant en son bec le rameau d’olive, signal bien assuré de la cessation des eaux*, et que Dieu avait redonné au monde le bonheur de sa paix. Mais, o Dieu, de quelle joie, de quelle fête, de quelle allégresse fut ravie la troupe des Apôtres, quand ils virent revenir entre eux la sainte humanité du Rédempteur après la résurrection, portant en sa bouche l’olive d’une sainte et agréable paix : Pax vobis, et leur montrant les marques et signes indubitables de la réconciliation des hommes avec Dieu : Et ostendit eis manus et pedes.

Sans doute que leurs âmes furent alors pleinement trempées de consolation : Gavisi sunt discipuli viso Domino. Mais cette joie ne fut pas le principal fruit de cette sainte vue; car leur foi vacillante fut affermie, leur espérance épouvantée fut assurée, et leur charité presque éteinte fut allumée. C’est le discours que j’ai entrepris, mais que je ne puis bien faire, ni vous, bien écouter, si le Saint Esprit ne nous assiste. Invoquons le donc, et pour mieux l’invoquer, employons-y l’entremise de la Sainte Vierge. Ave Maria.

Maintenant demeurent ces trois choses, foi, espérance et charité; mais la plus grande d’icelles est la charité; 1 .Cor, 13. La foi pour l’entendement, l’espérance pour la mémoire, la charité pour la volonté. La foi honore le Père, car elle s’appuie sur la toute puissance; l’espérance honore le Fils, car elle est fondée sur sa rédemption; la charité honore le Saint Esprit, car elle embrasse et chérit la bonté. La foi nous montre la félicité, l’espérance nous y fait aspirer, la charité nous met en possession. Elles sont nécessaires, mais maintenant; car au Ciel, il ne demeure que la charité. La foi n’y entre point, car on y voit tout; l’espérance encore moins, car on y possède tout; mais la seule charité y a lieu, pour aimer en tout, partout et du tout notre Dieu.
     Notre Seigneur ne fait autre chose que nous bien enseigner ces trois leçons : comme il faut croire, espérer et aimer; mais surtout en ces quarante jours lesquels il conversa après sa résurrection avec ses Apôtres, et plus particulièrement en l’apparition récitée aujourd’hui.

« Au matin du premier jour de la semaine, Marie Madeleine et l’ autre Marie quittèrent le tombeau toutes tremblantes et joyeuses …elles coururent porter la nouvelle … »
Mt 28, 8…

 

D’un sermon de Saint François de Sales.

 

(Œuvres IX 171-336)

 

La pauvre sainte Magdeleine toute éprise de l’amour de son Maître, retourna pour le chercher devant que nul autre, après qu’il fut mort et mis dans le sépulcre; et ne l’ayant trouvé, mais seulement des anges, elle ne peut s’en contenter, bien qu’ils fussent très beaux et habillés à l’angélique …

Marie ne s’amuse point autour de ces célestes esprits, ni à la beauté de leur visage, ni à la blancheur de leurs vêtements, ni moins encore à leur maintien plus que royal… Les anges lui demandent :  «  Pourquoi pleures-tu ? » comme s’ils eussent voulu dire : «  ‘N’as-tu pas bien sujet de te réjouir et d’essuyer tes larmes en nous voyant? Quoi, la splendeur et beauté de nos faces, éclat de nos vêtements, notre magnificence plus grande que celle de Salomon, n’est-elle pas capable de t’apaiser ? »

O certes, non, mon coeur ne se peut contenter à moins que de Dieu. Magdeleine aime mieux son Maître crucifié que les anges glorifiés.

 …Tous ceux qui pratiquent l’amour sacré savent que ses blessures sont diverses et qu’il blesse les coeurs en plusieurs façons.
L’amante sacrée dit que les gardes l’ont blessée… car rien ne blesse tant un coeur qui aime Dieu, que de se voir retenu loin de Dieu.

L’amour fait agir. Voyez-vous Magdeleine elle était touchée de l’amour affectif, quand voyant son Maître, et lui voulant baiser les pieds, elle s’écria « Rabboni… ».
Mais Notre Seigneur la repoussa, lui disant : « Ne me touche pas, va-t-en à mes frères ». Or, voilà l’amour effectif, car elle sortit et alla
promptement.
Pour marcher, il faut faire deux pas : mourir et renoncer à toutes les choses qui sont hors de nous, et mourir et renoncer à soi-même ce qui est le plus difficile.

« Marie-Madeleine restait là dehors à pleurer devant le tombeau. Elle se retourne et aperçoit Jésus qui était là, mais elle ne savait pas que c’était Lui. »
Jn 20

 

D’un sermon de Saint François de Sales. 22 juillet 1621

 

(Oeuvres X.96-97-98)

 

Voyez la Madeleine qui vous provoque par son exemple. Elle cherche son Sauveur et le demande au jardinier… « Je l’emporterai », dit-elle. Vous l’emporterez ? … Mais Celui que vous cherchez est mort, comme pourrez-vous porter son corps mort qui est très pesant? Oh! eut-elle dit l’amour me donne assez de force pour l’aller prendre et pour m’en charger. Ce que voyant, ce jardinier, qui était Celui-là même qu’elle cherchait, ne pouvant davantage laisser navrer de son amour le cœur de cette amante, l’appela « Marie. » Et elle, tout illuminée s’écria « Maître ! » demeurant toute accoisée et réjouie !

Allez à la bonne heure, mes chères filles, chercher le Sauveur crucifié avec Madeleine. Ne craignez pas de l’emporter et de vous en saisir partout où vous le trouverez. Ne vous étonnez point de sa pesanteur; et si bien il vous semble que vous êtes trop faibles pour vous charger d’un mort crucifié, agrandissez votre courage et ne laissez de prêter vos épaules, car la glorieuse Madeleine vous viendra au secours, et joignant ses épaules avec les vôtres, son amour avec le vôtre, vous triompherez de toutes les difficultés et demeurerez victorieuses. Vous serez par après bien heureuses si le Sauveur, témoin de vos labeurs et travaux pris pour son amour, vous appelle enfin par vos noms : Marie ! âme forte, courageuse vaillante et persévérante !

 

Et, comme Madeleine, vous répondrez « Rabboni ! mon Maître ! » Maître que nous avons suivi,. Maître auquel nous avons obéi ! Maître auquel nous nous sommes conformées et avec lequel nous nous sommes ‘crucifiées’, pour, après cette vie, être glorifiées avec lui en l’éternité de la vie bienheureuse !

« Alors ils se dirent l’un à l’autre : Notre coeur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et qu’il nous faisait comprendre les Ecritures ? »
Luc 24, 13-35

 

Saint François de Sales

Du Traité de l’amour de Dieu. (Œuvres IV. 197)


La vérité est l’objet de notre entendement, qui a, par conséquent, tout son contentement à découvrir et connaître la vérité des choses ; et selon que les vérités sont plus excellentes, notre entendement s’applique plus délicieusement et plus attentivement les considérer.

Dieu a empreint sa piste, ses allures et passées en toutes les choses créées; de sorte que la connaissance que nous avons de sa divine Majesté par les créatures, ne semble être autre chose que la vue des pieds de Dieu, et qu’en comparaison de cela la foi est une vue de la face même de sa divine Majesté, laquelle nous ne voyons pas encore au plein jour de la gloire, mais nous la voyons, pourtant, comme en la prime aube du jour, ainsi qu’il advint à Jacob auprès du gué de Jabbok; car bien qu’il n’eut vu l’Ange avec lequel il lutta, sinon à la faible clarté du point du jour, si est-ce que tout ravi de contentement il ne laissa pas de s’écrier : « J’ai vu le Seigneur face à face, et mon âme a été sauvée. ». O combien délicieuse est la sainte lumière de la foi, par laquelle nous savons avec une certitude nonpareille, non seulement l’histoire de l’origine des créatures et de leur vrai usage, mais aussi celle de la naissance éternelle du grand et souverain Verbe divin, auquel et par lequel tout a été fait, et lequel, avec le Père et le Saint Esprit, est un seul Dieu très unique, très adorable et béni es siècles des siècles. Amen. Ah ! dit saint Jérôme à son Paulin : «  Le docte Platon ne su onques ceci ; l’éloquent Démosthène l’a ignoré. » O que vos paroles, dit ce grand Roi, sont douces, Seigneur, à mon palais, plus que le miel à ma bouche !  « Notre cœur n’était-il pas tout ardent, tandis qu’il nous parlait en chemin ? » disent ces heureux pèlerins d’Emmaüs, parlant des flammes amoureuses dont ils étaient touchés par la parole de la foi.

Que si les vérité divines sont de si grande suavité, étant proposées en la lumière obscure de la foi, ô Dieu, que sera-ce quand nous les contemplerons en la clarté du midi de la gloire?

« La paix soit avec vous Voyez mes mains et mes pieds Il fallait que s t accomplisse tout ce qui a été écrit de moi dans la loi de Moise »
Lc 36—44

 

D’un sermon de Saint François de Sales. 21 avril 1620

(Œuvres IX 290-291)


Ce que notre divin Maître voulait signifier à ses apôtres par ces paroles :
« La paix soit avec vous … voici mes mains » leur montrant un signe certain que la paix leur était assurée, par le moyen de ses plaies. Comme s’il eut voulu dire : Qu’avez-vous ? je vois bien, mes apôtres, que vous êtes tout craintifs et peureux; mais désormais vous n’en avez plus aucun sujet, car je vous ai acquis la paix que je vous donne.

Non seulement mon Père me la doit, parce que je suis son Fils, mais encore parce que je l’ai achetée au prix de mon sang, et de ces plaies que je vous montre. Désormais, ne soyez plus couards ni peureux, car la guerre est finie …

Vous avez donc su que j’ai été battu, couronné d’épines et attaché à la croix, que j’ai souffert toutes sortes d’opprobres, de dérélictions et d’ignominies, et qu’en somme, mes ennemis bandés contre moi, m’ont fait endurer mille tourments. Mais à cette heure « Ne craignez plus, la paix soit en vos coeurs, car je suis demeuré victorieux et ai terrassé tous mes adversaires; j’ai vaincu le diable, le monde et la chair. N’ayez point peur, j’ai fait la paix entre mon Père céleste et les hommes, et c’est en ce sacrifice que j’ai offert à la divine bonté sur l’arbre de la croix, que s’est accomplie cette sainte réconciliation.

Je suis pauvre, car je n’ai rien. Vous savez que ma grandeur ne consiste point en la possession des biens de la terre, puisque je n’en ai point eu tout le temps de ma vie; mais pour toute richesse, j’ai la paix qui est le legs éternel que je vous ai fait en me séparant d’avec vous et lequel je vous reconfirme encore.

Tout ce que je donne à mes plus chers, c’est la PAIX !

“Et dès que Simon-Pierre l’entendit dire que c’était le Seigneur il se jeta à l’eau »
Jn 21,1

 

 

Saint François de Sales, Introduction à la vie dévote. (1ère partie, chapitre 1).

 

 L’amour, Philothée nous fait agir promptement. Les autruches ne volent jamais; les poules volent, pesamment toutefois, bassement et rarement; mais les aigles, les colombes et les arondelles volent souvent, vitement et hautement. Ainsi les pécheurs ne volent point en Dieu, ains font toutes leurs courses en la terre et pour la terre; les gens de bien qui n’ont pas encore atteint la dévotion volent en Dieu par leurs bonnes actions, mais rarement, lentement et pesamment; les personnes dévotes volent en Dieu fréquemment, promptement et hautement. Bref, la dévotion n’est autre chose qu’une agilité et vivacité spirituelle par le moyen de laquelle la charité fait ses actions en nous, ou nous par elle, promptement et affectionnément; et comme il appartient à la charité de nous faire généralement et universellement pratiquer tous les commandements de Dieu, il appartient aussi à la dévotion de les nous faire faire promptement et diligemment.

Et d’autant que la dévotion gît en certain degré d’excellente charité, non seulement elle nous rend prompts actifs et diligents à l’observation de tous les commandements de Dieu; mais outre cela, elle nous provoque à faire promptement et affectionnément le plus de bonnes oeuvres que nous pouvons, encore qu’elles ne soient aucunement commandées, ains seulement conseillées ou inspirées.

Car tout ainsi qu’un homme qui est nouvellement guéri chemine autant qu’il lui est nécessaire, mais lentement et pesamment de même, le pécheur étant guéri de son iniquité, il chemine autant que Dieu lui commande, pesamment néanmoins, et à tant qu’il ait atteint à la dévotion; car alors, non seulement il chemine mais il court et saute dans la voie des commandements; et de plus il passe et court dans les sentiers des conseils et inspirations.

Enfin, la charité et la dévotion ne sont non plus différentes l’une de l’autre que la flamme l’est du feu.

« Ressuscité de grand matin, Jésus se manifesta et dit : ‘Répandez partout la Bonne nouvelle!’ »

 

Saint François de Sales. Traité de l’amour de Dieu, Livre VIII ch. X


Les rayons du soleil éclairent en échauffant et échauffent en éclairant. L’inspiration est un rayon céleste qui porte dans nos coeurs une lumière chaleureuse, par laquelle il nous fait voir le bien, et nous échauffe à la poursuite de celui-ci. Tout ce qui a vie sur terre, s’engourdit au froid de l’hiver ; mais au retour de la chaleur vitale du printemps tout reprend son mouvement. Les animaux terrestres courent plus vitement les oiseaux volent plus hautement et chantent plus gaiement, et les plantes poussent leurs feuilles et leurs fleurs très agréablement.

Sans l’inspiration, nos âmes vivraient paresseuses percluses et inutiles ; mais à l’arrivée des divins rayons de l’inspiration, nous sentons une lumière mêlée d’une chaleur vivifiante, laquelle éclaire notre entendement, réveille et anime notre volonté, lui donnant la force de vouloir et faire le bien appartenant au salut éternel. Dieu ayant formé le corps humain du limon de la terre, ainsi que dit Moïse, il inspira en icelui la respiration de vie et il fut fait une âme vivante, c’est-à-dire en âme qui donnait vie, mouvement et opération au corps; et ce même Dieu éternel souffle et pousse les inspirations de la vie surnaturelle en nos âmes, afin que, comme dit le grand Apôtre, elles soient faites en esprit vivifiant, c’est-à-dire en esprit qui fasse vivre, mouvoir, sentir et ouvrer les oeuvres de la grâce.

Le souffle de Dieu, non seulement échauffe, mais il éclaire parfaitement, d’autant que l’esprit divin est une lumière infinie, duquel le souffle vital est appelé inspiration. 

Or, les moyens dont le Seigneur use sont infinis. Saint Antoine, saint François, saint Anselme et mille autres, recevaient souvent des inspirations par la vue des créatures. Le moyen ordinaire, c’est la prédication mais quelquefois ceux auxquels la parole ne profite pas sont instruits par la tribulation: « l’affliction donnera l’intelligence. »

Sainte Marie l’Egyptienne fut inspirée par la vue d’une image de Notre-Dame, saint Antoine entendant l’évangile qu’on lit à la messe, le bienheureux Ignace de Loyola lisant la vie des saints… 

Oh ! que bienheureux sont ceux qui tiennent leurs coeurs ouverts aux saintes inspirations! car jamais ils ne manquent de celles qui leur sont nécessaires pour bien et dévotement vivre !

“Thomas déclara : si je ne mets la main dans son côté, je ne croirais pas !”
Jean 20, 19-31

Sermon de Saint François de Sales, 21 déc.1622 (Œuvres X,409)

 

Saint Thomas commit le très grand péché d’infidélité ; en voyant cela, les autres Apôtres furent extrêmement touchés.

Cependant, ils ne rejetèrent pas le coupable de leur compagnie, mais prièrent pour lui, et notre Seigneur, par sa miséricorde ineffable, vint une seconde fois, seulement pour saint Thomas. Il nous donne par là des preuves de la douceur avec laquelle il traite les pécheurs, car il a deux bras : l’un de sa justice toute puissante et équitable, et l’autre de sa miséricorde qui va au-delà de sa justice…

Considérons, je vous prie, combien le Sauveur est bon. Il vint dans le cénacle une fois pour tous les Apôtres, et une autre fois pour saint Thomas seulement, huit jours après sa Résurrection, alors qu’ils étaient tous rassemblés ; et s’adressant à Thomas seul, il lui dit : “Tu ne veux pas croire ; tiens, touche, car l’esprit n’a ni chair ni os.” Il mit donc ses doigts dans les cicatrices de son Sauveur.

Mais que pensez-vous que fit ce bon Saint ? Certes, il n’y a pas de doute, quand il l’eut touché, il sentit une grande chaleur divine, principalement quand il toucha ce cœur sacré, tout ardent d’amour. Alors, tout étonné, il s’exclama et dit : Mon Seigneur et mon Dieu ! Et en même temps il fut changé et rendu fidèle, si bien qu’il a été prédicateur de la foi comme les autres Apôtres ; et après avoir grandement travaillé pour elle, il est, à la fin, mort pour cette même foi.

 

Notre bon Sauveur lui répondit : “Thomas, tu as cru parce que tu as vu, mais bienheureux seront ceux qui croiront et ne verront pas !”, parce que sa divine Bonté nous avait tous présents, nous autres qui sommes en son Eglise, qui a pris naissance du petit groupe des Apôtres. Ce que nous savons des mystères de notre foi, ils nous l’ont appris, bien que leur foi fût alors imparfaite parce qu’ils n’avaient pas encore reçu l’Esprit. Ici-bas sur terre, nous avons besoin de la foi, mais au ciel nous n’en aurons plus besoin. C’est un grand don de Dieu que la foi.

“Jésus leur dit : Pourquoi êtes-vous bouleversés ? C’est bien moi ” Luc 24, 35-48

 

Sermon de St François de Sales,  21 avril 1620 (Œuvres, IX,286)

 

 

Les Apôtres et les disciples de notre Seigneur, comme des enfants sans père et des soldats sans capitaine, s’étaient retirés dans une maison, tout craintifs qu’ils étaient ; le Sauveur leur apparut pour les consoler de leur peine et leur dit : La Paix soit avec vous ! Comme s’il eut voulu dire : Pourquoi êtes-vous si craintifs et affligés ? Si vous doutez de ma résurrection que je vous ai promise, demeurez en paix, car je suis ressuscité ! Voyez mes mains, touchez mes blessures, je suis bien moi-même, ne craignez plus, la paix soit en vous !

Sur ces paroles, je considère la paix du saint Evangile et de l’Eglise qui ne sont que paix, douceur et tranquillité… L’Evangile a été commencé par la paix, comme nous le voyons dans la Nativité de notre Seigneur, où les anges chantaient : Gloire à Dieu en hauts lieux, et paix sur terre aux hommes de bonne volonté!

Et après, il ne prêche que la paix : Je vous donne ma paix, dit le Sauveur parlant à ses Apôtres, mais je ne vous la donne pas comme le monde la donne, mais comme mon Père me la donne.

Le monde, semble-t-il dire, ne donne point ce qu’il promet, car il est trompeur; il amadoue les hommes, leur promettant beaucoup, et puis, finalement ne leur donne rien, se moquant ainsi d’eux après les avoir trompés.

Mais moi je ne vous promets pas la paix seulement, mais je vous la donne, et non pas une paix telle quelle, mais telle que je l’ai reçue de mon Père, avec laquelle vous surmonterez tous vos ennemis et en demeurerez victorieux. Ils vous feront bien la guerre, mais malgré leurs assauts, vous conserverez la tranquillité et la paix en vous-même.

En somme, le saint Evangile traite presque partout de la paix ; et comme il commence par la paix, de même, il finit par la paix, pour nous enseigner que c’est l’héritage que le Seigneur a laissé à ses enfants.

“Moi, je suis le bon pasteur, le vrai berger,
qui donne sa vie pour ses brebis.”  Jean 10,11-18

 

 Introduction à la vie dévote, 5ème partie chap. 14 et 13. (Œuvres de St FrançoIII,359-358)

 

Considérez l’amour éternel que Dieu vous a porté. Avant qu’en son humanité notre Seigneur Jésus Christ souffrît en croix, sa divine Majesté, en sa souveraine bonté, avait déjà sur vous un projet et vous aimait du plus grand amour. Quand commença-t-il à vous aimer ? Quand il commença à être Dieu. Et quand commença-t-il à être Dieu ? 
Jamais, car il l’a toujours été sans commencement ni fin.

Il vous a donc toujours aimé de toute éternité. Les grâces et faveurs dont il vous a comblée, déjà il les préparait. II le dit par le prophète Jérémie : Je t’aime (il parle à vous, Philothée) d’un amour éternel, aussi je te garde ma fidélité...

Ah, mon Dieu, que nous devrions graver profondément ceci en notre mémoire : est-il possible que j’aie été si doucement aimé de mon Sauveur, qu’il ait spécialement pensé à moi, qu’il ait spécialement disposé les circonstances par lesquelles il m’a attirée à lui ? 

Combien donc devons-nous aimer tout cela et en tirer le plus de profit spirituel ! Ceci est bien doux : ce cœur amoureux de mon Dieu pensait à Philothée, la chérissait et lui offrait mille moyens de salut, comme s’il n’y avait pas d’autres âmes en ce monde.

Quand le soleil éclaire un endroit de la terre, il ne l’éclaire pas moins parce qu’il éclaire toute la terre. Notre Seigneur pensait à chacun de ses enfants, comme s’il était unique.

Il m’a aimé, dit saint Paul, et s’est livré pour moi. Comme si saint Paul disait : pour moi seul, – et que notre Seigneur n’avait rien fait pour les autres.

Voilà, Philothée, ce que vous devez graver en votre âme, elle qui est si précieuse aux yeux du Sauveur !

 

“Tout sarment… qui ne porte pas de fruit, mon Père l’enlève.” Jean 15, 1-8

Introduction à la Vie dévote 1ère partie chap.5 (Œuvres de Saint François de Sales, III, 25)

 Les fleurs, dit l’Epoux du Cantique des Cantiques, apparaissent sur la terre, le temps d’émonder et de tailler est venu. Qui sont les fleurs de nos cœurs, sinon nos bons désirs ? Sitôt qu’ils naissent, il faut mettre la main à la serpe, pour retrancher de notre conscience tout ce qui l’encombre…

L’âme qui aspire à être l’épouse du Fils de Dieu, nous dit St Paul, doit se défaire de l’homme ancien et revêtir l’homme nouveau ; puis elle doit couper et raser tout ce qui en elle la détourne de l’amour de Dieu. C’est le commencement de la santé que d’être guéri des infections.

St Paul, en un instant, fut purifié parfaitement, mais cette sorte de purification est aussi miraculeuse et extraordinaire dans l’ordre de la grâce, que la résurrection des morts dans l’ordre de la nature, si bien que nous ne pouvons y prétendre. La guérison des corps, comme celle des esprits, ordinairement, ne se fait que petit à petit, par progrès successifs. Les anges ont des ailes sur l’échelle de Jacob, mais ils ne volent pas: ils montent et descendent avec ordre, échelon par échelon. L’âme qui monte du péché vers la vie spirituelle est semblable à l’aube : La route des justes est lumière d’aurore, sa clarté s’accroît jusqu’au grand jour (Proverbes 4,18); en s’élevant, elle ne chasse pas les ténèbres en un instant, mais peu à peu. On dit que la guérison qui se fait doucement est toujours plus sûre ; les maladies de l’âme, comme celles du corps, arrivent à cheval, mais elles s’en vont à petits pas.

Dans cette entreprise, il faut donc se montrer courageux et patient. Hélas ! Quelle pitié de voir des âmes qui, se voyant encore imparfaites après s’être exercées dans la vie spirituelle, s’inquiètent, se troublent et se découragent, et sont tentées de tout abandonner et de retourner en arrière.

Mais inversement, ne courent-elles pas un grand danger celles qui pensent avoir été purifiées de toutes leurs imperfections en un jour, qui se tiennent pour parfaites, et qui veulent voler sans ailes ? O Philothée, ces âmes sont en grand péril de retomber, pour s’être trop vite dispensées du médecin !

Ne nous inquiétons pas de nos imperfections mais consentons à les affronter et à les combattre !

“Mon commandement, le voici : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés.”
Jean 15, 9-17

Entretien sur la cordialité. (Œuvres de St François de Sales, VI, 64)

 

Pour bien témoigner que nous aimons le prochain, il faut lui procurer tout le bien que nous pouvons, pour son âme comme pour son corps, priant pour lui, et le servant cordialement quand l’occasion s’en présente.

L’amitié qui se contente de belles paroles n’est pas grand-chose, et ce n’est pas aimer comme Notre Seigneur nous a aimés ; car il ne s’est pas contenté de nous assurer qu’il nous aimait, mais il a voulu aller plus loin, en donnant sa vie pour preuve de son amour.

St Paul, parlant aux Corinthiens : Je serai très heureux de dépenser et de me dépenser tout entier pour vous et si entièrement que je ne veux mettre aucune limite, pour vous témoigner combien je vous aime tendrement ; il voulait dire : je suis prêt à laisser faire pour vous ou par vous, tout ce que l’on voudra de moi…

Ainsi, il nous apprend que donner sa vie pour le prochain c’est se soumettre au gré des autres, ou par eux ou pour eux, et c’est ce qu’il a appris de notre Sauveur sur la croix….

Car, ce n’est pas assez de mettre à la disposition du prochain nos commodités temporelles, ce n’est pas encore assez, dit saint Bernard, d’employer notre propre personne à souffrir pour cet amour ; mais il faut aller plus loin, en nous laissant conduire pour lui par l’obéissance, et sans résistance.

Car, quand nous nous décidons nous-mêmes et de notre propre volonté, cela satisfait toujours beaucoup notre amour-propre ; mais se laisser conduire dans les choses que nous ne choisissons pas, c’est là où se trouve le véritable oubli de soi.