18 avril - 3e Dimanche de Pâques

« Á leur retour d’Emmaüs, les disciples se sont mis à raconter aux onze Apôtres et à leurs compagnons ce qui s’était passé sur la route… Comme ils en parlaient encore, lui-même était là au milieu d’eux » .

            Si nous nous fions au texte de Luc, ils ont sûrement eu de la difficulté à se rendre à l’évidence, à reconnaître que c’était bien lui, en chair et en os et non pas un esprit ou une sorte de fantôme.

            Il a fallu qu’ils touchent du doigt la réalité de sa présence, qu’ils reprennent avec lui le contact des gestes les plus simples, les plus concrets de leur vie quotidienne.

            « Avez-vous quelque chose à manger ? Et il mangea.

            Il a fallu qu’ils retrouvent son amitié, une amitié comme ils n’en avaient jamais connu auparavant, une amitié cependant vis-à-vis de laquelle, dans le désarroi des derniers jours, ils avaient pris une certaine distance.

            Une amitié que Pierre avait même reniée pour éviter les embarras. Une amitié cependant qu’ils retrouvaient intacte, sans aucun reproche et qui, dans la lumière de Pâques, de l’autre côté de la mort leur apparaissait maintenant dans toute cette dimension dont lui-même avait parlé : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. »

            Il était là, lui-même, au milieu d’eux. « La paix soit avec vous », leur dit-il. Comme il avait dit un soir sur le lac, en les rejoignant après une tempête tellement moins bouleversante que celle de la dernière semaine.

            Et alors, dit Luc, « il ouvrit leur intelligence à la compréhension des Écritures », comme il l’avait fait sur la route d’Emmaüs dont on parlait encore.

            Il leur ouvrit l’intelligence. C’était beaucoup plus qu’un simple exercice intellectuel. « Notre cœur n’était-il pas tout brûlant quand il nous parlait », avaient dit les gens d’Emmaüs.

 

            C’est, me semble-t-il comme une invitation à comprendre, au sens étymologique, c’est-à-dire « prendre avec ».

            Une invitation à se laisser transformer par ce nouveau souffle de Dieu qui l’avait, lui, ressuscité, et qui allait, d’une certaine façon recréer l’univers.

            Une invitation à se laisser envelopper de cette lumière qui l’accompagne et qui allait désormais éclairer toutes les routes qui passent par la mort.

            Agrandir à l’infini les horizons de la vocation humaine et révéler à chaque homme, chaque femme jusqu’à la fin des temps, le sens de la vie.

            Nous savons la suite. Ils ont été les témoins qu’il attendait. Des témoins, non pas seulement d’un tombeau vide, des témoins surtout d’une vie nouvelle inaugurée par Lui et à laquelle ils commençaient à naître.

            La preuve la plus convaincante de sa résurrection a été l’existence même de ces hommes et de ces femmes, bien plus que leurs paroles que nous continuons pourtant à relire et à scruter avec tant de soin.

            Il en est encore ainsi. Ce qui nous parle le mieux du Seigneur ressuscité, ce sont nos vies d’hommes et de femmes. Des gestes simples mais vrais de l’une ou l’autre de nos sœurs ou de nos frères.

            Cette petite lumière au fond de soi qui résiste vaillamment aux orages et à la grisaille du quotidien.

            Comme les Apôtres, nous sommes appelés à reconnaître le Ressuscité. Nous voudrions bien, comme eux, voir le Ressuscité, comme Thomas toucher ses plaies.

Aujourd’hui, il se présente sous le visage des hommes et des femmes, particulièrement de  ceux et celles qui souffrent de la Covid. Rappelez-vous Matthieu 25 : « Quand t’avons-nous vu nu, malade, étranger, affamé ? ».

Ensuite nous pouvons reconnaître le Ressuscité par les Écritures. L’essentiel nous dit Luc, n’est pas de voir mais d’entendre. Et Jésus nous a confié cette parole, adressée à Thomas : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ».

Il serait logique que cette Parole nous pousse à proclamer les merveilles de Dieu auprès de tous les hommes à travers l’univers, de témoigner de ce Christ qui nous fait vivre.

Enfin ce mystère de la présence dans l’absence, c’est aussi celui de l’Eucharistie. « Il est grand le Mystère de la Foi ».

            Rappelez-vous encore ceux d’Emmaüs : c’est lorsqu’il rompt le pain que leurs yeux s’ouvrent. Á nous aussi, il nous est donné de le reconnaître à la fraction du pain. Mais cela n’est pas magique.

Cette reconnaissance ne peut se faire que par une Église et des croyants animés par l’Esprit du Ressuscité, essayant de vivre, comme lui, le partage d’une vie donnée, d’une vie missionnaire.

            Voilà la méditation d’aujourd’hui sur la Résurrection de Jésus… Non, ce n’est pas une histoire de revenant, même si la présence de Jésus est mystérieuse.

            Nous savons bien, nous, qu’elle est réelle, et nous n’avons pas attendu ce matin pour le savoir. Même sur nos routes parfois tortueuses, il y a toujours Quelqu’un sui s’avance à notre rencontre.

            Toute la semaine, avec les Sœurs, nous avons chanté cette belle hymne :

« Heureux ceux qui ont vu le Ressuscité

et reconnu à ses plaies, la victoire.

Mais heureux sommes-nous de croire sans voir vu

et, sans le voir encore, d’aimer Jésus notre Sauveur,

Seigneur, tu es vivant, nous t’avons reconnu ;

au dernier jour nous te verrons. »

            En reprenant ce matin les gestes qu’il nous a dit de refaire en mémoire de Lui, puisions-nous retrouver sa présence, sa paix et sa joie.

P. Philippe Muller